Méthode Thys

TD09

J’ai abordé la Question 13 , l’écriture sonore, je pense y avoir répondu indirectement.

Interrogations provoquées par le dispositif, j’ai l’impression d’avoir abordé les Question 20  ; Question 21  ; Question A

Le Tohu-bohu constitue une forme de thérapie, pour qui ? Pour moi, je pense qu’il soigne effectivement quelque chose, et je pense qu’il soigne peut-être plus à la limite mon rapport à l’enfance, peut-être soigne-t-il aussi quelque chose pour les enfants, mais ils apparaissent moins comme ayant besoin d’être soignés à ce niveau là que moi.

J’ai l’impression d’avoir plus découvert... mais peut-être que si le dispositif n’existait pas, ces enfants n’auraient pas l’occasion justement de le pratiquer, de l’expérimenter comme ils le font...

Le dispositif interdit aux adultes de dire aux enfants... Question 24 … éthique et morale.

La distinction entre éthique et morale est une distinction que je ne comprends pas bien.

J’ai toujours l’impression que l’une mène à l’autre... ou alors avec des idées que peut-être la morale serait plutôt de l’ordre de "la procédure elliptique ?" du principe... Mais pour moi ce n’est pas...

I.S. C’est une forme, on pourrait y associer le "personnage Thys" lui-même, quand on le rencontre on a l’impression qu’il affiche une a-moralité déclarée alors qu’il est extraordinairement éthique...

Oui, alors cela rejoint ce que je disais au niveau du passage d’un registre à un autre : la morale conçue comme étant de l’ordre du programme, de la construction séquentielle d’actions et on passe alors au niveau de l’éthique on pourrait dire, au "il y a de bons et de mauvais dispositifs, l’enjeu est de trouver le bon dispositif".

Mais on pourrait dire à ce moment là, c’est une morale du dispositif.

Enfin j’écrase peut-être certaines distinctions fortes, mais seulement c’est un peu ainsi que je vois les choses. C’est vraiment la quête d’une pédagogie du dispositif, et d’une pédagogie du musical comme une certaine manière d’occuper les dispositifs.

Pour moi, cela revient toujours à cela : être capable là où on est d’exister, d’occuper sans fermer, sans tuer, sans envahir... c’est très difficile !

Mais on nage toujours dans ce même problème, le problème du politique : essayer de faire avancer l’histoire sans la maîtriser, mais sans se laisser maîtriser aussi.

Avec une certaine revendication : "j’aimerais quand même, qu’après mon passage, il y ait eu quelque chose... je parlais de valeur ajoutée, quelque chose comme cela. Quelque chose qui n’aurait pas été tout à fait pareil, tout n’est pas vraiment équivalent, j’essaie de vivre un certain rapport au préférable - il vaut mieux.

Et donc un dispositif c’est quelque chose qui est à la fois organisé et dans lequel il est possible de faire ce qu’il vaut mieux. Sans dire au départ, que nous savons ce qui vaut mieux.

Alors on pourrait dire à ce moment là, que la position éthique serait la position qui dit qu’il y a des choses qui valent mieux, tandis que la morale serait leur sédimentation dans des normes, des injonctions, des tabous, des interdits etc. qui n’ont pas de sens.

Mais, bon, c’est quand même assez subtile comme différence.

I.S. La Question 20 , c’est toute la question qui revient de temps en temps de la singularité ou non, de notre situation culturelle, politique par rapport à des situations plus "traditionnelles" que le dispositif, apparemment, fait apparaître...

Là, je pense que c’est vrai. C’est un dispositif très post-moderne.

L’associativité est un problème typique, à mon avis, des sociétés post-modernes.

Parce que dans les sociétés post-modernes l’association est à faire. Je ne peux pas me prévaloir, de moins en moins je ne peux me prévaloir... - évidement cela dépend, quand on pense aux "sans-papiers" c’est un peu provoquant de dire : je ne peux pas me prévaloir de ma nationalité !

Disons-le entre nous, et ne le disons pas aux sans-papiers, ils auraient le droit de nous casser la figure, mais je veux dire que malgré tout la qualité de belge c’est presque une qualité qui fait rire même si dans certaines circonstances elle fait toute la différence entre le droit de vivre ...désormais, désormais vous pouvez vous prévaloir de votre qualité d’habitant de l’espace de Shengen...

Je dirai malgré tout que c’est une appartenance relativement faible, elle est beaucoup plus faible que ne l’a été une certaine conception de l’Etat au 19ième siècle.

Par exemple à l’intérieur de cet espace, les possibilités de choisir un système éducatif sont relativement plus vastes que dans le système de l’enseignement d’état régi par un ministre etc.

Il y a quand même une perte par rapport à ces grands systèmes d’appartenance.

Il se fait que dans ma famille, je suis d’une famille sans fortune, je ne peux pas m’accrocher à un nom, je m’appelle De Smet, c’est probablement le nom le plus banal du monde puisque cela veut dire forgeron, c’est un des tous premiers métiers qualifiants qui apparaissent mais elle remonte tellement loin qu’elle ne me qualifie pas...

Qu’est-ce que l’on pourrait encore imaginer ? La religion par exemple… les gens qui me voient m’estampillent comme chrétien parce que j’appartiens à une université estampillée comme chrétienne, université qui ne m’a d’ailleurs jamais demandé quoi que se soit à ce niveau là, donc je pourrais dire que je suis un chrétien historique. Ce qui ne me rend pas désireux de rompre avec cette chrétienté, j’ai simplement envie de l’explorer.

Mais c’est une exploration pas du tout exclusive parce que dans le monde contemporain il est difficile de prétendre sans rigoler qu’une religion aurait le monopole de l’explication de la vie, de l’univers etc. alors elle a simplement le sien.

On peut dire que pouvoir se rattacher à ce qui fonderait mon identité en disant : j’ai eu la chance d’être baptisé dans la bonne religion, dans le bon rite, à la bonne époque, après le Christ, j’ai eu la chance d’être sauvé par lui parce que si j’étais né avant je n’étais pas sauvé, heureusement il est venu avant... donc je ne peux pas non plus m’en prévaloir.

On peux dire simplement : je vous dis cela comme je vous parlerais de la couleur de mes cheveux, c’est tout.

Donc, tous ces systèmes d’associations de facto, ou d’associations ontologiques ou d’associations transcendantales sont considérablement effrités dans la société contemporaine qui, au contraire, et c’est peut-être là justement son défi, demande à chacun d’avoir à tous moments un régime associatif optimal.

Avoir la bonne banque, la bonne carte de banque, avoir choisi de s’établir dans le bon pays, d’avoir les bons copains, les bonnes connaissances etc. C’est tout le temps à refaire, je ne peux pas rester à occuper dans un système de droit divin la niche dans laquelle je suis.

Et tout notre système libéral fait semblant de me dire que je peux prétendre à tout... peut-être même changer de sexe !

J’ai le droit, rien ne m’est interdit... et donc ce système qui dit : apprenons à nous associer, on pourrait voir cela comme un système particulièrement bien adapté aux défis de la société post-moderne où nous devons être d’excellents gestionnaires de notre régime associatif.

On pourrait donc imaginer que des gens issus de cultures qui n’ont pas assimilé de la même façon cette exigence contemporaine de la gestion associative s’y sentent moins bien…

Alors dans l’exemple pris ici : "groupe culturel non-européen (turcs)", j’aurai tendance à dire presque que c’est eux qui ont des choses à nous apprendre parce que c’est eux les post-modernes par excellence.

Moi, je vis sur la terre de mes aïeux, j’ai habité le quartier de ma grand mère... forcément je ne peux pas me donner comme un bon prototype : je suis inscrit dans la religion de mes parents, j’habite dans le territoire de mes ancêtres, j’ai simplement un côté physiquement un peu méditerranéen qui fait que lorsque je vais dans des pays arabes on me parle en arabe, donc je dois me penser comme n’étant pas un parfait prototype de ma race bovine belge. Mais, à ceci près, je suis probablement beaucoup plus moderne que post-moderne.

Je pense donc qu’il ne faut pas aller trop vite, on peux dire que c’est un dispositif qui convient bien à une pédagogie de la post-modernité, de dire que par conséquent les Turcs... il faudrait quand même gratter un peu plus.

Peut-être d’ailleurs qu’une des caractéristiques du vrai post-moderne c’est d’être extrêmement attaché à quelques grands mythes sans lesquels il n’arrive plus à se situer.

Moi, je n’en ai pas besoin puisque je vis chez moi. Là j’aurai tendance à dire que c’est un énoncé à moitié faux, dans la mesure où il identifie les Turcs comme étant particulièrement inscrits dans un système traditionnel - ce que je ne crois pas, ils s’accrochent peut-être à quelque chose parce qu’ils en ont vraiment besoin - mais en même temps ce qui est vrai c’est que c’est pour des gens libérés et démunis. Pour des gens qui ont expérimenté l’a-pesanteur (alpha privatif) sociale et qui donc doivent se construire des systèmes associatifs. Il ne suffit pas de rester associé, et l’école est un lieu de rencontre où je peux justement à travers les ateliers me confronter à des personnes que je ne connais pas et explorer la naissance d’un lien que je construis avec des moyens symboliques.

Question 31 J’ai déjà un peu abordé cette question là, j’y reviens.

Je m’efforce de distinguer, je dirai deux niveaux dans la musique…

Il y a le niveau de la musique au sens de forme historique d’associations sonores, passant par des systèmes de tonalité, de composition, de conventions, un instrumentarium etc. Et de fonctions sociales remplies par la musique, il y a la musique de fête, la musique de circonstance, la musique sert toujours à quelque chose. Dans chaque société, elle sert à des choses.

Et l’autre niveau c’est celui que j’appelle le musical, comme je l’ai dis tout à l’heure le musical c’est une certaine façon d’occuper le présent, une façon féconde d’occuper le présent et donc je me rallie à une éthique du musical, si il faut être plus systématique dans l’approche.

Mais j’aurai tendance à dire que pour moi, n’est pleinement musique que ce qui combine de la musique au sens historique et du musical. Et je craindrais plus que ne disparaisse le musical que de voir disparaître la musique.

Evidemment ce n’est pas gai de savoir que dans quelques années on n’aura peut-être plus les moyens nécessaires pour faire un orchestre capable de jouer Brahms ou Dvorjak ou Litz etc. Parce que la spécialisation industrielle de la production des instrumentistes... on ne pourra plus. Au fond c’est peut-être... cela a déjà existé, les ménestrels ont disparus, on peut imiter les ménestrels mais il n’y a plus de ménestrels.

Cela ne m’amuserait pas, parce qu’au fond je me suis attaché à cette musique, mais c’est dans l’ordre des choses.

Par contre, ce qui est plus fondamentalement à mon sens, présent aussi dans la musique c’est justement le soucis d’utiliser le sonore pour ses qualités, ses qualités d’évanescence, de disponibilité permanente de l’espace au son, d’association, la musique prend la vie comme une brochette : elle lie un tas d’événements discontinus, toute la discontinuité de notre individualité qui se transforme, qui oscille, qui évolue, qui peut parfois connaître des moments d’amnésie profonde, notre multiplicité d’être en nous-mêmes est d’une certaine façon unifiée, sous-tendue par le souvenir musical.

Faire de la musique c’est être capable de se "re-pénétrer" tel que l’on n’est plus tout à fait tel que l’on a été, ou peut-être de s’anticiper tel que l’on pourrait être.

Le musical c’est justement la capacité d’y arriver, c’est à dire la capacité d’occuper l’instant par une production sonore qui réellement parvient à toucher, qui est pertinente pour agiter toutes ces dimensions de l’individualité, de la relation à l’autre etc.

On peut imaginer des productions musicales, sans musicalité. C’est ce qui se produit en ce qui me concerne quand j’entends ou même quand j’essaie de faire moi-même une musique et que je me rends compte que cela ne marche pas, l’ange ne passe pas... pourtant tout est normalement en place, mais je dois arrêter, c’est pas cela...

En revanche, on peut imaginer des moments où la musique au sens de prise en compte de l’héritage historique, musical, est très ténue, est presque rien mais il peut y avoir de la musicalité.

Je crois que les ateliers visent, peut-être sans le savoir, à essayer de débarrasser temporairement du poids de la tradition musicale pour essayer de faire accéder à la musicalité. C’est à dire à un surgissement d’un discours sonore en grande partie improvisé mais bien placé, bien à sa place.

Rien n’empêche à partir de là de reconstruire une musique, de réinvestir les règles de productions musicales tonales, instrumentales etc. mais rien n’oblige non plus à le faire.

On peut justement se servir de ces moments de recherche de musicalité pour démasquer en quoi éventuellement des formes historiques de musique seraient "anti-musicalistes". En quoi, sans le savoir ou en le voulant d’ailleurs, le système musical a évolué dans la propre négation de la musicalité.

Et je crois qu’il le fait beaucoup, je crois la musique n’a rien de magique : la musique est un instrument de domination, un instrument aussi odieux que sublime. Je crois qu’on a détruit... qu’il y a des gens qui se sont détruits à force de faire de la musique, qui sont véritablement coupés d’une grande partie d’eux-mêmes, parce qu’ils ont été mal formés en musique et qu’ils sont entrés dans un certain type de musique qui n’a pas contribué à développer leur musicalité. C’est à dire leur capacité à vivre pleinement au présent, se sont devenus des gens vraiment avilis...

On retrouve de nouveau la question de l’éthique.