Méthode Thys

TD08

Question 15 Non, non... J’ai écrit sur la feuille : je n’en suis pas sûr, je suis même plutôt sûr du contraire. J’ai d’énormes résistances à envisager que quelques règles soient suffisantes pour donner le comportement.

Le poids de toute notre préparation, de nos idées est tel que l’on ne peut pas appliquer quelques règles simples et les constituer comme dispositif. Je n’arrive pas à entrer dans cette idée là.

A la limite même, je trouve qu’il y a quelque chose de contraire à la dignité que de se servir des règles comme d’une stratégie pour l’animateur. Il a le droit - de l’homme - de pouvoir traverser sa participation à cet atelier comme quelqu’un qui est autre chose qu’un robot qui applique un programme qu’on lui a défini…

Maintenant se pose la question de savoir comment endiguer de la part de l’animateur de... je ne sais pas, de trop jouer.

Il y a effectivement, quelque chose qui est un peu dangereux. Il faudra faire avec, je ne vois pas d’autre solution.

On ne peut pas assigner à une personne le rôle d’être con, cela me choque. Il n’y a rien à faire, la personne qui anime l’atelier doit dans la mesure du possible s’intégrer à une logique, y réfléchir à son tour etc.

Mais évidemment, comment assurer la pérennité d’un dispositif, d’une pensée ? Il y a un éclatement... alors c’est la même chose : sommes-nous pour l’énergie nucléaire ou pour les éoliennes, acceptons-nous de tout centraliser avec un interlocuteur, à un endroit sous haute surveillance pour irradier la terre entière ou bien trouvons-nous que la diversité doit primer et que même si c’est plus difficile, que cela ne marchera peut-être pas bien partout, il faut que quelque chose se démultiplie ?

Pour moi, la démultiplication du dispositif ne peut pas se faire à l’aide d’une espèce de table de la loi, comprenant dix commandements très simples - ou trois même - et disant à l’animateur bornez-vous à faire ceci.

Bon on peut le dire : concrètement votre activité doit sembler très limitée, on peut dire des choses comme cela, mais ils doivent savoir pourquoi. Quelle est la logique de tout cela... enfin, je ne le lui souhaite pas, je ne me le souhaite pas donc je ne veux pas le souhaiter à quelqu’un de se retrouver dans une position aussi... moi, j’appelle cela dégradant.

I.S. Si je me souviens bien on était arrivé à le renommer cet animateur : régisseur qui était pas mal...

Moi, j’aimais bien, parce que justement régisseur cela correspond assez bien à l’idée de dispositif. C’est à dire quelqu’un qui peut en savoir beaucoup plus mais qui ne prend pas nécessairement une attitude surplombante - ce n’est pas un grand horloger, un grand créateur etc. C’est un régisseur, mais il doit être capable de se construire un point de vue externe tout en occupant une position interne.

Et cela correspond assez bien au rôle du régisseur, que ce soit dans une institution, le type qui veille à ce que les portes soient bien ouvertes, que l’éclairage éclaire bien au bon endroit, qu’au régisseur de télévision, de plateau... comme par hasard quand quelqu’un va s’asseoir au piano, il y a un tabouret.

Cela paraît très bête de dire il faut un tabouret, mais il faut que quelqu’un y pense, parce qu’il sait très bien le rôle que va jouer la tabouret dans un ensemble de quelque chose dans lequel pourtant un tabouret de piano paraît tout à fait dérisoire. Il n’a l’air d’être rien mais pourtant il est beaucoup parce que si il n’y a pas de tabouret à ce moment là, tout s’arrête, tout le système tombe.

Je trouve que la dénomination de régisseur dans cet entendement là : quelqu’un qui est vraiment immanent au système et qui dans le même temps a la capacité de le surplomber mentalement mais qui ne veut pas le surplomber techniquement, qui ne va pas jouer à introduire des variables parce qu’il est inspiré... non, c’est un système qui doit acquérir sa force de sustentation propre et je ne veux pas jouer avec les robinets etc. Mais sachant très bien qu’il va se passer des choses, étant capable de les détecter, de les suivre, de s’en amuser, d’y prendre goût etc.

C’est important...

Et je pense que le système n’est pas robuste, non.

C’est un système qui nécessite un régisseur pour l’entretenir en tant que tel.

C’est comme le conservateur de musée, on a l’impression qu’il ne fait rien, et son rôle, en fait, c’est qu’on ait l’impression qu’il ne se passe rien. C’est à dire qu’il faut que se passe toutes les bonnes choses qui doivent se passer dans un musée, c’est à dire rien.

Il ne faut pas que les toiles changent tout le temps de place, que l’on chipote à tout etc. mais il faut que l’essentiel de la communication entre les gens qui se croisent, avec les oeuvres se passe bien. Donc, apparemment, il ne fait rien.

Un bon conservateur de musée, un bon gardien est quelqu’un de difficile à trouver parce qu’il doit avoir une lecture multiple, un bon libraire c’est la même chose, suffit que tous les livres soient bien là, mais ce n’est pas si facile... C’est comme cela que je l’envisage.

Donc cela veut dire qu’au niveau de l’évolution du dispositif il faudra envisager de manière plus soignée, plus exigeante, appelons cela la formation ou la préparation des gens qui sont destinés à assurer cela. Si on envisage ce dispositif comme étant appelé à se multiplier !

I.S. Mais ce qu’il y a, c’est toujours la même chose d’ailleurs, c’est que on peut leur dire avant qu’ils le connaissent tout ce que l’on veut...

Non, non c’est de l’accompagnement...

Justement, il ne faut peut-être pas trop dire au départ mais il faut avoir un certain nombre d’interlocuteurs qui puissent interlocuter au moment où il y a matière à le faire.

Ni trop tôt, ni trop tard.

On ne peut pas se contenter d’une petite pochette plastifiée... c’est une idée qui me choque.

Il y a une autre question : que voulons-nous pour cette méthode ?

Voyons-nous cette méthode comme quelque chose qui ne doit pas engendrer de démultiplications en tant que telle, est-ce que simplement elle doit être pratiquée et permettre à des gens de la fréquenter pour qu’après ces gens puissent repartir et faire ce qu’ils ont à faire ? Ou bien est-ce une méthode qui doit, comme parfois on l’entend dire, enfin il y a des idées comme cela du côté de Charles Picqué, l’appliquer dans toutes les écoles de la Communauté Française... je n’ai pas ma certitude là-dessus.

Je la vois assez mal se démultiplier et devenir une espèce de méthode Suzuki, il y a comme une incompatibilité…

Mais je ne sais pas encore bien quel modèle de dissipation, au sens de dissipation féconde pas celles qui vont vers l’extinction, quel modèle de dissipation féconde on pourrait imaginer pour une méthode comme cela ? Modèle qui lui garderait suffisamment de sa force d’auto interrogation et suffisamment de force démultipliante pour être pratiquée partout.

Je trouve que c’est une question qui n’a pas vraiment été assumée, on la joue un peu dans l’implicite.

Bon maintenant à Bâle on commence, on commence ailleurs puis on arrête, au fond c’est un assez bon régime. Mais cela implique de renoncer à l’idée éventuelle de dire que c’est quelque chose qui doit se répandre. Je crois que l’on ne peut pas beaucoup lutter contre les institutions, les choses passent ou ne passent pas.

Il ne faut pas être volontariste, et dire qu’il est d’une importance cruciale qu’un maximum d’enfants et un maximum d’éducateurs aient l’occasion de s’y confronter dans un minimum de temps.

Je ne crois pas, si un moment donné on se rend compte qu’elle suscite de l’intérêt alors il faudra essayer de la suivre dans ce régime là. Pour le reste, je ne crois pas qu’un quelconque prosélytisme... cela ne marche jamais ces choses là, ou alors avec des choses d’un niveau de simplicité tel - et encore, l’introduction de la mathématique moderne dans les écoles secondaires a montré que le projet était sans doute trop délicat pour pouvoir être envisagé dans la forme dissipative propre à un programme d’enseignement et donc cela a donné... pas beaucoup au niveau de la capacité mathématique.

Cela reste un problème...

Question 19 Oui, dans ce sens là, je serai plutôt d’accord avec cette affirmation : cela ne sert à rien de vouloir forcer les choses.

Si à un moment donné ce type d’interrogations et cette intuition que cela est bon... se répandent, si on s’aperçoit qu’elles se répandent, comme une petite musique de nuit, à la manière d’une mélodie : je la retiens bien, elle tombe bien, dans ce cas là, oui ce serait l’idéal.

Donc cela veut aussi dire que cela ne sert à rien de la matraquer en se disant que plus ils l’écouteront plus ils l’aimeront, parce qu’ils ne vont pas se l’approprier dans l’harmonie nécessaire, cela va être mal pris.

Je suis assez d’accord avec Hervé Thys dans cette idée là. On ne peut pas s’employer à la faire pénétrer toujours et partout, et même dans la mesure du possible je dirai qu’il faut se méfier de certaines tendances qu’auraient certains responsables politiques à vouloir se donner un blason, un nom en étant les propagateurs de quelque chose qu’ils n’ont probablement pas bien compris.

Il faudra à ce moment là être prêts presque à leur résister en disant : voilà, on ne peut pas rentrer dans cette logique là, on ne peut pas dire dans trois ans tous les programmes devront comprendre, tous les profs devront avoir suivis une semaine d’initiation... non, je pense que c’est l’horreur. Il ne faut surtout pas passer par là... mais l’école est une institution et il faut que les choses passent comme cela...