Méthode Thys

Le cycle de concerts "Sa-Me-Di, la Musique"

Le cadre et le déroulement des cycles de concerts "Sa-Me-Di la Musique" ont été élaborés en 1990 afin de répondre aux demandes des participants des ateliers
qui se posaient des questions concernant les instruments mis à leurs disposition et sur le maniement de ceux-ci.
Seuls des musiciens professionnels pouvaient répondre à ces questions et justifier le choix de l’instrument qu’ils avaient découvert et aimé dans leur jeunesse.
Cette série de concerts permet également de sensibiliser le jeune enfant au déroulement très particulier des concerts de musique classique.

Concert du samedi 25 novembre 2000, au Conservatoire Arthur Grumiaux de Charleroi.
Delphine Delcoux, hautbois ; Alexandra Santkin, clarinette et Caroline Leris, basson.
(Photo Visio-presse).

Description du déroulement des concerts
Durée 60 minutes

Les abréviations utilisées :
P : Participants - toute personne du public.
M : Musiciens.
R : Régisseur.

Il s’agit de concerts organisés pour des publics comprenant à la fois des enfants (très jeunes), des adolescents et des adultes.
(6 à 8 concerts sur l’année, espacés d’environ 30 jours)

Le local : environ 40 mètres sur 25.
La scène : environ 10 mètres sur 6.
Les chaises des musiciens ont été prévues et leur nombre varie suivant le groupe de musiciens, une rangée de chaises ( environ 20 est installée pour le public à environ 1 mètre 50 à l’arrière des artistes, cette rangée rejoint de part et d’autre la 1ère rangée de la salle.
Le vestiaire : est situé hors du local.
L’instrumentarium : les instruments sont ceux d’un orchestre symphonique, en formation de musique de chambre.
L’instrument vedette : à chaque concert, un des instruments aura le rôle de vedette.
Les musiciens : leur nombre ne peut être inférieur à 2 ou supérieur à 9.
Au moment du dialogue, les M resteront sur la scène et répondront aux questions des P.
Le micro-baladeur : doit être utilisé pendant le dialogue.
Les oeuvres : classique, romantique et surtout contemporaine. Elles sont d’une durée d’environ 10 minutes. Des extraits d’œuvres peuvent également être programmés.
Le programme : un programme a été distribué aux P ; ce document donne des informations sur les musiciens et sur les oeuvres jouées. Il apportera également des informations détaillées sur l’instrument vedette du concert.
Le dialogue : aura lieu après 20 minutes et avant 30 minutes du déroulement du concert ; les P pourront à ce moment poser toutes les questions qu’ils souhaitent.
L’ improvisation : a une durée de 60 secondes à 3 minutes, elle est réalisée par le musicien qui joue l’instrument vedette.
Le régisseur : aura la responsabilité d’établir les conditions nécessaires au dialogue entre musiciens et participants. (Son rôle précis sera décrit plus avant).

Le concert favorise trois états :
1) L’état d’éveil - pendant le dialogue.
2) L’état d’écoute - pendant le silence.
3) L’état d’éveil paradoxal - pendant l’exécution des œuvres.

Déroulement du concert

Les P se sont assis au fur et à mesure de leur arrivée, les bébés sont gardés dans les bras et les P qui le souhaitent utilisent les coussins ou galettes, leur permettant de s’asseoir par terre entre la scène et le 1er rang des sièges (espace prévu d’environ 4 mètres).

Et la porte s’ouvre...

Les musiciens prennent place sur la scène, saluent, s’assoient et accordent leurs instruments. Ils exécuteront la 1ère œuvre de leur programme.
Après la deuxième ou troisième œuvre, dès que les applaudissements diminuent, R apparaîtra devant les musiciens, au niveau de la salle. R utilisera un micro-baladeur et s’adressera aux artistes en les remerciant de leur présence. R s’adressera ensuite à celui qui joue l’instrument vedette du concert et lui posera la question suivante :

A quel âge et dans quelle circonstance avez-vous eu la première rencontre avec l’instrument que vous jouez ? Qu’est-ce qui a motivé l’amour de cet instrument ?

A partir de ces mots R ne prendra plus la parole pendant la durée du dialogue, son rôle se limitera à apporter le micro-baladeur aux P qui souhaitent poser une question et à donner le micro aux musiciens, pour leur réponse.
Après environ 12 à 15 minutes de dialogue avec le public, R reprendra le micro et demandera au musicien de l’instrument vedette, de bien vouloir improviser sur son instrument - pendant cette improvisation R reprendra sa place parmi le public.
L’improvisation terminée, le concert se déroule avec le programme prévu .

Cette série de concerts permet de mieux connaître les musiciens d’un orchestre, ainsi que leurs instruments.

Il est souhaité que le dernier concert de la série soit exécuté par la formation complète, l’instrument vedette devient alors la baguette du chef d’orchestre et lors du dialogue les questions s’adressent à lui.


Sa-Me-Di la Musique : un nouveau cycle de concerts à la Philharmonique.

Parallèlement au cycle des Préludes (néerlandais), un nouveau cycle de concerts se développe cette année, la samedi matin : Sa-Me-Di la Musique. Nous avons demandé à Hervé Thys, directeur de la Société Philharmonique, et à l’origine du projet, de nous expliquer cette nouvelle initiative.

L’intitulé Sa-Me-Di la Musique contient deux éléments : pourquoi le samedi, et de quelle musique s’agit-il ?
Pour une bonne partie du public, écoliers compris, le samedi est un jour libre. Le concert commence à onze heures et dure une heure. Il est une sorte de dédoublement des Lunch Concerts du mardi midi, donnés par les musiciens de l’Orchestre National de Belgique, en formation de chambre.

Quelle est l’originalité de ce nouveau cycle par rapport aux autres concerts ?
En tant que concert, il est bien clair qu’il ne se distingue en rien du concert traditionnel et de son habituel cérémonial : arrivée des musiciens, déroulement du programme annoncé et applaudissements. Mais il s’y ajoute des éléments originaux. Tout d’abord, chaque concert est construit autour d’un instrument vedette, instrument d’orchestre dans la majorité des cas. Jusqu’ici, nous avons reçu la contrebasse, les percussions et la trompette. Ce mois, ce sera au tour de la flûte traversière, et le mois prochain - dans la foulée du thème traité ce mois-ci par Continuum - le violon.
Après avoir interprété une première oeuvre, le soliste de l’instrument vedette présente son instrument et répond aux questions du public, questions qui peuvent porter aussi bien sur les particularités techniques de l’instrument que sur une approche personnelle. Je pense qu’un musicien qui joue de la contrebasse est amené à développer une relation physique avec son instrument : il doit le transporter, le protéger, en jouer, à travers une littérature particulière, propre à chaque instrument... C’est souvent moi qui enclenche la discussion à ce moment du concert, en demandant à l’interprète de bien vouloir nous parler des liens "privés" qu’il entretient avec son instrument.
Après la première oeuvre et ce moment d’échange avec le musicien, une troisième partie prend cours : l’improvisation, c’est-à-dire la création d’un univers musical sans le recours à une partition. J’estime que cette partie remplit une fonction très importante chez les amateurs de musique auxquels sont destinés ces concerts. L’improvisation est un domaine que l’on a beaucoup trop longtemps négligé. Il semble pourtant que nombre de personnes improvisent seules, chez elles. Mais elles n’en parleront pas parce que c’est plus difficile à transmettre que de dire : "Je joue une sonate de Mozart", et moins valorisant. C’est pour cela qu’il est important que le public voie que les musiciens professionnels improvisent eux-aussi, avec pour seul but le plaisir d’improviser.
Quelle que soit la valeur de la partition grâce à laquelle nous parvenons à vaincre les barrières des sociétés, des cultures et du temps pour interpréter l’œuvre d’un autre, je la sens exercer une certaine forme de colonialisme : le geste créateur de l’interprète est limité par la partition. L’improvisation tient une place toute différente : elle crée une liberté tous azimuts presque vertigineuse.

N’est-ce pas surtout au musicien que l’improvisation donne un sentiment nouveau ? Le mélomane qui ne connaît pas une oeuvre ne la découvre-t-il pas au moment même où elle est jouée ?
Peut-être le premier rôle revient-il en effet au musicien qui, du fait de l’improvisation, va jouer différemment. Mais il est tout aussi important pour le public de rencontrer la liberté et le plaisir qu’il y a à pratiquer la musique de cette façon. Le plaisir éprouvé est un des critères fondamentaux de l’improvisation ; aucune obligation à parler d’art ou de grands sentiments, personne pour vous dire "C’est juste" ou "C’est faux". Ce qu’il y a de merveilleux dans l’improvisation c’est que l’occasion y est offerte de s’exprimer, à travers l’instrument, dans une situation donnée, sans honte aucune. Aucune pression sociale, culturelle ou autre, pour éveiller un sentiment de gêne. Les instruments électroniques contemporains favorisent la création de pareilles situations et il s’agit, selon moi, d’un courant positif.
Un autre aspect important de l’improvisation réside dans la découverte des richesses et des possibilités de chacun des instruments. Très souvent, dans l’orchestre, les instruments ne sont employés que dans une couleur déterminée, parfois ils sont couverts par d’autres, et, même dans les concertos, ils sont rarement exploités dans toutes leurs possibilités. Il apparaît même que les qualités secrètes de l’instrument sont très importantes dans le lien que le musicien établit avec lui.

Le concert se poursuit-il encore après l’improvisation ?
Effectivement, c’est alors qu’est servie la pièce maîtresse : l’œuvre dans laquelle l’instrument vedette est mis en valeur. Le concert rejoint alors le schéma du concert traditionnel auquel succèdent les applaudissements.

Pour quelles raisons avez-vous mis ce nouveau cycle sur pied ?
Ce cycle est le prolongement logique des ateliers d’enfants, en fonction depuis six ans. Les parents autant que les enfants se sentaient un peu perdus après ces ateliers et, avec ce cycle, ils retrouvent une situation à mi-chemin entre la liberté des ateliers et la rigidité du concert. Par ailleurs, ces concerts ne s’adressent pas qu’aux enfants et à leurs parents ; tout le monde y est le bienvenu.
Mon expérience avec les enfants me convainc de plus en plus qu’il n’y a en fait aucune frontière entre l’univers sonore des adultes et celui des enfants, contrairement à celles qui existent dans le domaine sportif ou linguistique, par exemple. D’un côté, nous devons éduquer les enfants à rencontrer la musique traditionnelle à travers le concert, mais d’un autre, nous essayons de retrouver la liberté d’expression propre à l’improvisation et susceptible d’ouvrir l’enfant à la musique contemporaine.
Et nous touchons ici à l’essentiel de l’initiative : les musiciens m’ont confié à quel point la qualité du contact avec le public leur a permis de franchir un fossé...
Aujourd’hui, je souhaite que ces concerts deviennent un lieu de rencontre où tous les intéressés puissent mieux se connaître l’un l’autre et mieux connaître la musique. Et cela ne peut se faire qu’en groupe restreint...
Dans la salle Henry Le Boeuf, avec deux mille personnes, ce serait tout simplement impossible !

Propos recueillis par Geert Robberechts.