Méthode Thys

MH02

Je ne critique pas le "Jeu des parties et du tout", pas du tout. Et je suis d’accord avec Hervé quand il dit qu’il faut maintenir l’absence de modèle, il a tout à fait raison.

Encore une fois, je dirai que l’expérience du Tohu-bohu est tellement forte qu’elle devrait engendrer par elle-même, sous différentes formes, des motivations, des créations collectives qu’on devrait laisser libre aux enfants de faire naître... comment, je ne sais pas très bien. Prendre des plus petits groupes peut-être, enregistrer les Tohu-bohu, les faire écouter, les faire rejouer - est-ce possible ?

Je lance des idées comme cela, je devrai discuter avec Hervé, on devrait discuter tous ensemble, mais je pense qu’elles sont envisageables.

Question 10

Question 11 et alentours…

Revenons aux enfants. Je crois que c’est très important que les enfants comprennent, si ils peuvent le comprendre, que les adultes ne vont pas les juger. Qu’ils ne vont pas demander à l’adulte : est-ce que c’est bien ce que j’ai fais, est-ce que c’est cela que vous voulez, madame ? Alors que pendant tout le temps de l’école, c’est comme cela qu’ils fonctionnent, ils attendent le jugement du professeur, les points qu’il va mettre.

Il y a très peu d’espaces de liberté sauf peut-être dans des séances de dessin libre, maintenant c’est à peu près généralisé tout cela. Mais encore je pense que l’enfant va montrer son dessin à l’instituteur - regardez madame ce que j’ai fait - il attend une approbation plus généralement de la part de l’instituteur.

Ici cela se passe avec un statut différent, on peut y aller. Normalement tout jugement esthétique est absent d’autant plus que l’enfant va aborder l’instrument sans préparation technique, sans connaissance. Donc puisqu’il n’y a pas connaissance, il n’y a pas préjugé donc il y a improvisation. C’est la seule manière de se comporter avec un instrument que l’on ne connaît pas.

L’improvisation est là, c’est la seule façon de produire.

Je crois que cette démarche là est très importante pour l’enfant qui ne devrait pas normalement l’oublier. C’est un espace de liberté qui lui est donné, c’est lui dire que cela peut exister une chose pareille... mais attention est-ce qu’il a déjà vécu une chose pareille avec des adultes dans sa famille ou ailleurs ? Cela m’étonnerait. Bon il y en a...

Est-il heureux que ce soit leur instituteur qui soit là ? On peut se poser la question. Je crois qu’Hervé se l’est posée.

Moi, je me demande si il ne faudrait pas... je ne sais pas, le laisser à la porte et que se soient d’autres adultes qui soient là, plus comme techniciens d’accueil, que comme juges en tous cas.

L’instituteur retourne avec eux dans la classe quand même, moi, cela m’étonnerait que l’on n’en parle pas. C’est une idée comme cela...

I.S. Mais à ton avis, l’expérience qui est proposée aux adultes n’est pas suffisante pour couper l’appétit aux instituteurs de revenir sur la chose...

Cela dépend des personnalités, de leur intérêt, de leurs motivations, de leur investissement dans l’expérience.

Non, je pense qu’un adulte peut retirer quelque chose de très intéressant de l’expérience, comme témoin. Parce que moi qui ai donc été immergé dans plusieurs Tohu-bohu, j’ai encore le son dans l’oreille, ils sont toujours là, impossibles à décrire avec des mots mais cet espèce de fracas qui continue, avec des trous, des interactions intéressantes, des interactions non-intéressantes et des non-interactions... Et si moi personnellement, professionnellement je n’ai pas été surpris par l’expérience puisque je la pratique, à voir les réactions d’autres adultes... alors là je dis : allez-y, allez-y en masse.

J’ai connu Danny Bayer maintenant décédée, avec laquelle Hervé a eu une excellente relation, qui était responsable pour les Jeunesses Musicales du Brabant wallon, elle avait participé au Tohu-bohu à Liège au Conservatoire.

Au début pour elle c’était "niet", c’était le refus "Mais, qu’est-ce que c’est que cette anarchie, est-ce que l’on ne fait pas plus de tort que de bien" etc. Et puis petit à petit Danny est devenue une collaboratrice exceptionnelle pour Hervé. C’est peut-être une de celles au Jeunesses Musicales qui ont le mieux compris l’intérêt de ce dispositif.

J’ai beaucoup de réactions négatives et qui restent négatives : "On ne fait pas cela avec les instruments !" "On ne laisse pas les enfants aussi longtemps dans la cour de récréation avec des objets pareils". "A quoi cela sert ? C’est pas éduquer". C’est tous les jours que j’ai ce type de discussions. C’est malheureusement très difficile à persuader par le raisonnement.

Personnellement j’ai fait des animations... cela, je ne sais pas si cela doit se trouver sur... avec des animateurs où après une expérience de Tohu-bohu que j’avais eue trois semaines auparavant, j’ai voulu la faire avec les adultes... Et bien cela a provoqué des choses très intéressantes... en tous sens... cela dépend de la personnalité, la disposition à la liberté de chacun, l’ouverture... En gros je dirai que la moitié était ouverte à ce genre d’expérience à condition de ne pas la prolonger trop longtemps - cela se discute - et l’autre moitié est restée sclérosée, n’a pas compris l’intérêt.

Donc là c’était eux qui étaient en situation de faire ce qu’ils voulaient ?

J’ai voulu reproduire le Tohu-bohu. En leur disant : "mettez-vous en rang à l’extérieur, on va rentrer dans une salle où il y a des instruments"... Je les ai vraiment... Et j’ai fait l’expérience avec des adultes donc... Mais comme je disais, c’est cinquante pour-cent. Mais un peu plus tard dans l’animation on se trouve en rond avec un instrument et je dis : "faites tour à tour des sons", je ne dis pas musique... "des sons et puis on tourne comme cela". Et tout de suite, il y en a qui posent la question : "oui, mais je peux jouer un morceau sur ma guitare" ? Bon, cette question est déjà déterminante pour savoir à qui on à affaire et quand son tour arrive elle fait... je ne sais pas moi, un accompagnement de chanson française, alors que les autres ont profité de l’occasion de faire des sons de manière libre. Au bout de deux tours elle est sortie du cercle, cela ne l’intéressait plus. Après j’ai discuté avec elle, elle est fermée complètement à ce genre de choses, elle n’en comprends pas du tout l’intérêt : "non, apprenez moi plutôt à faire des accords de manière correcte sur la guitare qui me servent à faire cela et cela"... La musique n’est pas fonctionnelle au départ, que je sache.

I.S. Et au niveau des adultes qui jouent le rôle d’animateur est-ce que les réactions peuvent être aussi stables dans le négatif ou bien est-ce qu’il y a des évolutions...

Bien Danny Bayer c’est un très bon exemple...

Il peut y avoir des évolutions mais il faut investir du temps et de la patience.

Si je pouvais le faire et partager ma vie en cinq parties simultanées, moi je les amènerais dans mon local de répétition et je dirai : allez, on y va. On y va à quoi ? Non je dis : on y va, c’est tout. Il y a des instruments de musique, là, c’est tout. Oui mais moi je suis claviériste et toi tu es au clavier etc.

Et le dialogue s’enclenche par la pratique, ce n’est pas en raisonnant que l’on peut parvenir à faire évoluer des mentalités comme cela là. Ce n’est qu’en pratiquant collectivement, à deux, la musique...

Mais ceci dit, il y a des personnes qui ont assisté à plusieurs Tohu-bohu et qui ont révisé leurs premières impressions - mais cela Hervé peut en parler mieux que moi.