Méthode Thys

IS06

Bon, alors, il y a les Question 34

Question 35 auxquels j’y connais rien mais on verra bien…

Ce que cela donne la singularité du sonore par rapport au visuel ? Comment interpréter l’association assez générale entre musique et thérapie ? Tout l’aspect culturel non européen etc., tu veux pas le brancher avec l’éthique ou tu veux…

Moi, je veux bien, oui, d’accord, alors c’est la Question 36 je veux bien la faire - enfin essayer...

Donc, ce qui peut aussi être lié à la Question 20 c’est à dire les enfants de groupe culturel non européen. Il me semble que cela peut être aussi branché à Question 22 : "Intervient-il dans l’histoire des pratiques…

Pour moi, dans chaque celas, de toutes ces questions ce qui est important c’est de savoir effectivement que ceux qui ont inventé ce dispositif et notamment d’abord Hervé Thys, est 100% un produit de notre histoire y compris dans la liberté que cela lui donne de voir les insuffisances de cette histoire, ses impasses, ses absurdités, les mutilations, les conneries qu’elle inspire mais c’est un produit de notre histoire.

Et donc, il ne s’agit pas de l’oublier parce que l’oublier ce serait encore une fois appartenir à notre histoire mais dans justement ce qu’on ne devrait pas oublier qu’elle nous propose, c’est à dire que l’un des péchés mignons de notre histoire c’est de penser que quand on a produit quelque chose cela vaut pour tout le monde et cela nous transforme derechef, ipso facto et sans désemparer en missionnaires c’est à dire ce que nous avons créé qui est bien pour nous, on a l’impression que cela concerne immédiatement tout le monde et on le propose à tout le monde comme le dernier cri pour l’humanité tout entière.

Donc, c’est quelque chose que nous avons déjà beaucoup joué et, en ce qui me concerne, j’ai l’appétit sérieusement coupé à encore jouer sur cette scène-là et ce n’est pas une perte, au contraire, cela rend les problèmes beaucoup plus intéressants éthiquement que de se dire si j’aboutis à un quelconque énoncé qui vaut en droit, pas en fait et par rencontre et nouveau type d’histoire mais en droit pour tous, qui fasse que les autres se trouvent en manque ou jugés à partir de cette nouveauté, je suis retombée sur l’attracteur principal, le piège que nous nous produisons pour nous-mêmes et que nous faisons lourdement payer aux autres et cet attracteur est un coupeur d’appétit donc, donner à la pensée et aux énoncés une contrainte qui les écelarte de cet attracteur pour moi, c’est éthique au sens réussite échec. C’est trop facile, c’est sans intérêt et c’est très coûteux du point de vue de nos relations à nous-mêmes et aux autres, on en devient idiot et arrogant.

Donc effectivement de nous rendre compte que les enfants, les petits européens même immigrés peuvent réagir très différemment que les jeunes immigrés notamment turcs qui semblent dans nos pays d’immigration avoir gardé plus de consistance culturelle que d’autres enfants de l’immigration, c’est quelque chose qu’on peut constater, c’est surtout quelque chose qui ne nous permet pas de juger les jeunes turcs ou de dire les enfants européens sont plus prometteurs. On pourrait dire non, les enfants européens ont plus désespérément besoin d’invention sur "qu’est-ce que la transmission" que d’autres groupes parce que, encore une fois, cela intervient dans l’histoire des transmissions de savoir et dans notre histoire pédagogique des transmissions de savoir.

Cela peut être utile aux autres si cela nous débarrasse d’une arrogance qui nous permet de penser l’offre scolaire que nous avons proposée à tous les peuples du monde comme légitime, normale et neutre, c’est la bonne manière de transmettre des savoirs quels que soient les dégâts, génération sacrifiée, on s’en fout.

Cela peut nous transformer de telle sorte que cette offre scolaire dont nous sommes responsables, nous la pensions avec plus d’intelligence quant aux dégâts qu’elle fait chez les autres. Mais, c’est par ce moment-là,

c’est dans le moment où nous nous rendons compte que nos normes et nos évidences étaient naïves et arrogantes, que ce que nous faisons pour nous peut concerner les autres. Comment les autres y mordront est avant tout leur problème. Notre problème c’est de ne pas être arrogant et de ne pas être naïf par rapport à cela.

Et donc notamment quand on peut nous comparer, comme le propose la Question 36

, nous c’est de l’espèce humaine qu’il s’agit, on pourrait dire "ah, on en est venu au plus fondamental et comme incontestablement, quoiqu’ils en pensent, les autres appartiennent aussi à l’espèce humaine, ce que nous produisons en référence à l’espèce humaine vaut aussi pour eux".

Je dirais que la référence "espèce humaine" ne préexistait pas plus à sa production c’est à dire à nous autres que la référence aux dieux, aux ancêtres, aux traditions ne préexistait aux cultures humaines qui l’ont produite. Il n’y a pas de préséance de l’espèce humaine sous prétexte que l’on pourrait dire "oui, mais objectivement elle a existé avant même qu’on y pense" cela c’est une conception en double jeu, il y a l’espèce humaine au sens où c’est l’objet des biologistes et où les biologistes savent comment ou les médecins qui se demandent si un produit n’empoisonne pas un membre de l’espèce humaine, c’est vrai que l’espèce humaine on la rencontre au sens où tout humain si on lui donne une charogne va tendre à en mourir alors que les hyènes semblent résister aux charognes.

Donc c’est vrai qu’il y a des traits propres à l’espèce humaine mais c’est surtout comment tuer un humain ou le rendre malade qui sont communs, c’est à dire les limites de résistance par rapport aux agressions du monde, ce n’est pas tellement ce qui en fait la positivité - ce qui fait la positivité de ce que peut un humain, c’est une question de culture. Et donc, les biologistes se rendent intelligents en produisant des questions à propos de l’espèce humaine et donc, l’espèce humaine existe pour eux, elle existe pour les paléontologues qui se demandent à quel moment il y a des millions d’années apparaît le premier fossile qui témoigne d’un humain comme nous ou bien presque comme nous ou en route vers être comme nous ou bien peut-être qu’il était en route vers autre chose et qu’il a disparu, "quel est l’arbre ? , quels sont les embranchements ?".

Cela les rend extrêmement intelligents mais usuellement dire à quelqu’un "tu fais partie de l’espèce humaine" n’est pas un facteur d’intelligence, c’est un fait plat comme "la terre tourne et pas le soleil", cela fait partie des savoirs morts qu’on engrange à titre d’informations mais qui ne nous créent pas du tout les mêmes aventures de l’esprit que pour un paléontologue, un biologiste ou Galilée, Copernic et Kepler et ces gens qui ont découvert qu’on pouvait être sur un bolide.

Il semblerait, d’ailleurs, il y a beaucoup d’exemples dans les tribus d’Amazonie ou les tribus amérindiennes que le mot être humain, l’équivalent le plus proche de "être humain" sert à désigner le groupe et par opposition à tout le reste, c’est à dire les autres tribus, etc. ne feraient, n’en feraient pas partie...

Mais justement, la connerie supérieure dans ce celas-là c’est de dire "les humains sont nés fondamentalement racistes et c’est nous qui avons atteint cette idée que tous les humains sont égaux qui préexistait mais les autres étaient racistes sans le savoir".

Non, on n’est pas raciste sans le savoir.

Je veux dire la possibilité d’être raciste, de mettre en hiérarchie des groupes différents est strictement contemporaine de la proposition "les humains sont égaux" c’est à dire de l’apparition d’espèce humaine en tant que référence pour nous penser.

Bon, nous sommes partis dans une aventure qui, effectivement, a produit des choses tout à fait intéressantes et singulières et a produit des crimes tout aussi intéressants et singuliers au nom de l’égalité entre tous les humains et au nom de ce que devrait être l’homme nouveau qui vivrait cela.

Donc, ce qui m’intéresse c’est d’hériter de la singularité de l’aventure mais d’essayer d’en hériter accompagnée des garde-fous qu’impliquent la mémoire des crimes, des arrogances et des naïvetés.

Donc ce qui m’intéresse dans les autres c’est qu’effectivement les ancêtres qu’ils se donnent, les traditions qu’ils cultivent, les dieux qui interviennent dans leurs existences et qui singularisent des moments de leurs modes d’existence collective sont partie prenante de ce qui les cultive c’est à dire de ce qui les rend intéressants les uns pour les autres, de ce qui les produit les uns pour les autres et donc, je ne peux pas hiérarchiser cela, tout fonctionnement qui réussit à.. , qui permet à ses membres de guérir, parler entre eux, d’éviter la guerre, de créer des palabres par exemple, de permettre aux différents membres de la communauté de se constituer des significations etc. constitue aussi une réussite.

Le point le plus délicat effectivement c’est le point où nous sommes maintenant qui est la mise en communication de ces réussites puisqu’on ne peut plus s’ignorer les uns les autres et que les communications sont tellement intenses que les manières d’accueillir l’hôte ou de rencontrer, de se promener dans le paysage et de rencontrer un autre groupe et de partager des récits d’ancêtres ou des rites de rencontre et bien c’est devenu plus tout à fait suffisant étant donné la densité des échanges.

Donc nous sommes dans un problème complètement ouvert à cause de la densité des échanges, un problème écologique, c’est toujours un problème écologique, "quel nouveau type de lien, quel nouveau type de manière de faire se crée dans ces échanges denses ?" et c’est pour cela qu’il est urgent pour nous de ne pas nous présenter comme supérieurs aux autres parce que nous pensons "espèce humaine".

Dès que nous proposons "espèce humaine" en tant que savoir mort, nous pouvons bien détruire les ancêtres, les dieux ou les traditions des autres mais les détruire au sens de ne rien proposer à la place, de ne rien faire surgir qui les modifie mais de les détruire tout simplement.

Reste que notre problème à nous effectivement a nom "espèce humaine" et il faut réussir, c’est cela que j’appelle souvent de l’humour, à dire "l’espèce humaine est notre invention", c’est ce qui nous rend intelligent, c’est ce par rapport à quoi nous nous jouons aujourd’hui.

Et donc chaque fois que Hervé parle de l’espèce humaine et de la différence entre les animaux et les humains, tous les humains, j’accepte tout ce qu’il dit en disant : eh bien oui, c’est un, comment dirais-je, un belge de la fin du XXème siècle qui dit cela et qui dit cela à d’autres belges ou européens de la fin du XXème siècle, c’est un énoncé qui est situé, qui est daté d’aujourd’hui et de maintenant. Et qui est situé aussi par rapport à l’ensemble des impasses et des obstacles que nous rencontrons aujourd’hui et maintenant et qui sont tout aussi bien produits par cette histoire c’est à dire qui marquent tout aussi bien la difficulté de se construire en tant que membres de l’espèce humaine.

C’est une tâche, c’est un risque anthropologique, c’est un risque ouvert, nous ne sommes pas sûrs aujourd’hui que l’aventure dans laquelle nous nous sommes engagés depuis disons le XVIIIème siècle, nous construire en tant que membres de l’espèce humaine, soit vivable parce que depuis le XVIIIème siècle, on a aussi été ultra vulnérable à une autre petite aventure qu’on appelle le capitalisme.

Je ne vais pas dire qu’espèce humaine et capitalisme c’est la même chose, je vais dire, ce qui est bien connu, que la référence à l’espèce humaine ne nous a pas beaucoup armés pour résister aux redéfinitions que nous propose le capitalisme. Donc, on est dans une aventure dont on n’est pas sûr qu’elle soit vivable.

C’est cela la charge, c’est cela le risque, c’est cela l’indétermination du futur, pour parler comme Hervé, le passé est le passé, on va pas vivre, cela c’est quelque chose qu’Heidegger nous a proposé comme philosophe "de vivre dans la nostalgie de ce dont nous avons perpétré l’oubli de l’oubli", on ne va pas vivre comme les produits d’une impasse dans la nostalgie de ce à quoi nous n’avons plus accès et dans le possible des retrouvailles à ces accès par des moyens relativement élitistes de type méditation poétique etc. etc.

Pas du tout. Je crois que là ce que dit Thys le "n’ayez pas peur, ayez confiance" n’est pas seulement un conseil mais c’est une condition de possibilité, le passé est le passé avec ses crimes, avec ses arrogances, avec ses naïvetés, cela a eu lieu, cela ne juge pas la possibilité de l’avenir sauf si la question des garde-fous à l’arrogance, à la naïveté, aux crimes n’est pas ce que nous pensons aujourd’hui.