Méthode Thys

IS05

Mais en sachant qu’il y a deux aspects à la question, il y a l’aspect, comment vais-je dire, lors du fonctionnement usuel où le régisseur n’intervient pas et puis l’autre partie de la question, l’autre aspect qui semble être celui qui préoccupe plus Hervé qui est la liberté qu’il peut se donner lui, le régisseur parce que de suivre le dispositif et de ne pas intervenir, etc si on peut trouver des individus qui peuvent avoir développé un goût par rapport à cet émerveillement-là et considérer que cela cela en vaut la peine etc. On peut imaginer trouver des personnes comme cela, il y en a, mais l’autre aspect qui semble un peu plus compliqué c’est la liberté effectivement de, éventuellement, à un moment donné, intervenir.

Ce qu’Hervé n’a fait que deux fois je pense sur l’ensemble des ateliers auxquels il a participé mais il a quand même dû le faire deux fois et il y a d’autres exemples. Il prend toujours ces exemples-là dans le sens où c’est des exemples qui l’ont marqué, aussi l’autre exemple qui est celui où il n’est pas intervenu alors que tout le monde pensait qu’il fallait intervenir, de cette petite fille qui était malade et qui a pris, comme il dit, la "position du bonheur" qui lui a dit à lui "ok, je n’interviens pas" et puis d’autres moments où il est quand même intervenu deux je pense et notamment une fois prendre quelqu’un dans ses bras, qui semblait débordé. Ce qui semble le préoccuper le plus lui, c’est cela, ce n’est pas quelqu’un qui puisse appliquer les règles, cela on peut en trouver, mais quelqu’un qui puisse avoir une liberté à l’intérieur de règles qui ne définissent pas, et qui dans leurs formulations ne semblent pas envisager de critères possibles d’intervention alors que lui peut témoigner du fait que par deux fois ou par trois fois (cela dépend comment on compte) il a… la question s’est posée quoi.

Ben oui, mais c’est cela qui est intéressant dans le dispositif ; c’est que je crois de toute façon que les moments d’intervention ne sont pas formalisables et je crois que pour sentir quand l’intervention vient, il faut d’abord avoir goûté au plaisir de la non-intervention.
Donc on ne peut pas commencer par dire :"vous interviendrez dans tel ou tel celas" parce qu’il y aura toujours des celas non prévus et des celas où la description ne sera jamais assez précise pour que cette intervention soit à bon escient à ce moment-là.
Donc, cela entre dans la même culture de l’improvisation de la part du régisseur que celle qui est demandée aux enfants et effectivement, je crois.
Je crois que cela, éventuellement, c’est un problème… L’intérêt de ce problème c’est qu’il n’a pas de solution en dehors du concret c’est à dire que si les animateurs ont peur, ils interviendront de toute façon à mauvais escient et de la mauvaise manière parce que quand on voit Thys intervenir sur la cassette quand il prend le gosse et qu’il l’entoure littéralement, il l’embrasse, c’est un mode d’intervention très particulier par rapport à un mode d’intervention répressif, c’est une prise en corps littéralement, donc la manière dont il le fait c’est pas seulement le fait qu’il le fasse c’est la manière dont il le fait qui compte, bon… Et bien, on ne peut pas, cela assommerait les régisseurs de leur dire : "oui, attention, vous intervenez dans ces celas-là mais attention, tout est dans la manière etc." le message serait complètement inverse.
Moi je crois que là et dans ce celas, il faut faire confiance c’est à dire si… les garanties qu’il faut se donner c’est, me semble-t-il, au niveau du "avoir peur" c’est à dire que les régisseurs ne soient pas empoisonnés littéralement par "est-ce que je fais bien, est-ce que je fais pas bien etc ?" Une fois qu’ils ont cette sécurité et bien, il faut aussi leur dire que c’est dans la mesure où ils ont cette sécurité qu’ils sauront quoi faire. Mais on ne peut pas aller plus loin.
Ce qui est décisif c’est qu’ils n’aient pas peur et qu’ils sachent que c’est robuste c’est à dire que contrairement aux psychanalystes qui ont l’impression que s’ils disent un mot à leurs analysants hors cadre c’est 6 mois d’analyse qui sont foutus, qu’ils sachent que c’est robuste c’est à dire que les enfants, eux aussi, savent qu’ils sont sur une scène, savent qu’ils posent des problèmes aux adultes, savent que c’est pas un geste de travers qui annule la chose.
Il y a une dimension robuste parce que les enfants ne sont pas … une fois qu’ils ont, comment dirais-je, qu’ils ont goûté au dispositif et qu’ils ont confiance sur les principes et bien, ce n’est pas un geste de plus ou de moins qui va fêler le merveilleux cristal et briser la confiance.
C’est aussi cela ne pas avoir peur.

Et alors il y a encore un autre aspect par rapport au régisseur, c’est le fait que le régisseur est celui qui va être en contact, après, avec l’ensemble des autres intervenants c’est à dire le prof, le cadre institutionnel etc. Donc, le régisseur se retrouve aussi dans la position d’avoir d’une manière ou d’une autre à… enfin, c’est lui qui personnifie pour tous les autres celui qui est dépositaire du sens et de l’intérêt de la méthode et donc face aux éventuels quiproquos, difficultés, etc., il doit avoir en lui des ressources qui lui permettent d’argumenter, de discuter ou d’agir, de ne pas agir… etc. quoi, donc je veux dire donc cela c’est quand même un mode d’habilitation qui est quand même… autrement plus… je veux dire c’est quelque chose qui demande un… rapport "théorique"… si tu veux autre que simplement le plaisir éprouvé ou la joie ou la…
Cela c’est, oui mais je crois que sans la joie l’argumentation théorique ne marcherait pas

Cela on est d’accord (rires)
Donc cela c’est le préalable obligé s’ils ne se sont pas fait plaisir en prenant ce rôle, ce rôle est pas pour eux.

Enfin après une ou deux fois je veux dire et c’est pour cela qu’un régisseur devrait toujours, me semble-t-il, d’abord fonctionner avec un qui y a du plaisir parce qu’avoir du plaisir c’est...

On doit aussi s’y sentir autorisé de la même manière que les enfants le message explicite "vous êtes chez vous ici" il leur faut du temps pour y croire mais il est important qu’il soit donné même au moment où ils n’y croient pas. Et bien, le fait de ressentir de la joie, il n’y a rien de plus facile à esquiver si on s’y sent pas autorisé. Donc je crois que c’est assez intéressant qu’un régisseur fasse ses 2,3 premières séances en compagnie de quelqu’un qui est déjà capable de se sentir rassuré.

Pour le reste, et je crois c’est d’autant plus important que c’est je crois à partir du moment où il l’a vécu 2 ou 3 fois que quel que soit l’argumentaire qu’on produit et ce n’est pas inutile justement par rapport aux profs, aux inspecteurs, à tout l’univers institutionnel, cet argumentaire il ne pourra pas l’utiliser effectivement s’il ne sait pas ce que cela veut dire. Je crois que l’important c’est qu’on ne les lance pas comme cela, qu’ils y aillent avec quelqu’un qui a déjà réussi sa partie, sa partie de la scène, enfin réussi justement au sens où il sait qu’il peut marcher avec.

D’autre part, je crois effectivement que c’est là aussi que des recours c’est à dire qu’en celas de véritable conflit, l’animateur peut savoir qu’il y a des gens à sa disposition, qu’on sait qu’il n’est pas en position facile et que là aussi il n’est pas seul. Et qu’en celas… où on ne lui reconnaît pas l’autorité des arguments qu’il entend présenter et bien, il y d’autres gens qui peuvent venir en double, je crois que cela c’est important qu’il ne se sente pas là non plus seul.

Mais tout cela c’est à expérimenter. Mais je crois que l’important c’est d’y aller assez progressivement pour que des gens qui ont une certaine expérience puissent accompagner les animateurs et que les animateurs dès qu’ils ont cela deviennent des formateurs. C’est toujours apprendre et apprendre à apprendre... Et pour le moment, tous les animateurs qui fonctionnent l’ont fait d’abord avec Thys. Bon, il faut démultiplier des Thys, la méthode ne serait pas possible si tout le monde devait faire ses premiers pas avec Thys, le caractère robuste de la méthode c’est que quelqu’un qui a réussi, qui a vu, a participé à la chose 2 ou 3 fois et bien, a acquis la robustesse qui lui permet de transmettre… Il a simplement acquis la confiance…

Alors y avait… On est quand même d’accord sur le fait qu’au niveau du …cette habilitation repose aussi sur une transformation du sens même de "qu’est-ce que c’est qu’un savoir, qu’est-ce que c’est une capacité" enfin, je veux dire, il y a un certain nombre de notions…communes qui sont transformées…

Oui, une des manières de le dire c’est qu’effectivement en tout celas, la première année Tohu-bohu, l’autre est pour le moment encore entièrement aux mains de Thys puisque Thys est en train d’apprendre. C’est uniquement quand le dispositif sera rôdé qu’on pourra se dire à qui, qui peut le mener.

Donc, je parle de la partie du dispositif qui peut être considéré en première approximation comme "rodée" c’est à dire la première année. Et bien, l’une des choses que l’on peut dire à ce sujet-là c’est qu’effectivement il ne s’agit pas d’un savoir musical ni même d’un savoir centré autour de la qualité de la production sonore, quoique cela signifie, toutes ces manières de le présenter sont à peu près fausses.

Iil s’agit au contraire d’une introduction, on peut dire, à l’univers musical dans sa dimension de production de liens, dans sa dimension d’événement, dans sa dimension d’ingrédient de mise ensemble d’un groupe et de rapports d’attention, de rapports de sensibilité, de l’ensemble de ce qui organise des humains autour d’un événement. Et donc, il est très important que les animateurs se rendent compte que, étant régisseurs, ils ne sont pas régisseurs d’une transmission de savoirs de l’ordre de "la musique" alors même que la musique ou le son sont les ingrédients essentiels de la chose.

Et c’est quelque chose puisque s’ils sont régisseurs là dedans c’est qu’ils aiment le son, c’est qu’ils aiment la musique, c’est qu’ils aient une nouvelle raison supplémentaire à laquelle ils n’avaient pas pensé d’aimer le son et d’aimer la musique c’est que justement ils voient là que le son ce n’est pas seulement quelque chose qu’on produit au sens "faire écouter" mais qui se produit au sens où quelque chose se produit à son occasion et cela c’est, c’est …

Disons qu’y a la Question 14 "Est-ce que les diverses règles du dispositif ont une signification indépendamment d’elles ou en sont-elles inséparables ?" Et la Question 21 "Les règles du dispositif ont une nécessité mais pas de force, dit Thys. D’où vient la force du dispositif ?"

Je crois que justement, …enfin là j’ai envie de penser à cet article que tu connais de Massumi.

Donc, Massumi dit que le football c’est avant tout à l’origine peut-être une origine peut-être mythique mais cela ne fait rien, on peut ne pas en avoir souvenir mais le fait qu’il y ait un terrain délimité avec des piquets qui font buts et des gens sur le terrain c’est le site où il y a tension qui crée la possibilité d’un certain type d’événement.

Après, il y a une histoire du jeu ou des règles ou le fait qu’un arbitre vient ou les joueurs doivent intégrer la présence de l’arbitre dans la différence entre les coups permis et pas permis. Cela c’est l’histoire du jeu tel qu’il est normé, normalisé, la présence des spectateurs etc. mais ce ne sont pas les règles qui inventent le jeu, les règles habitent un site où il y avait des morceaux, des piquets, des délimitations, sortir, pas sortir, un ballon et pas 15 ballons, etc. et je crois que pour le moment, les règles du dispositif c’est cela, c’est comme les piquets, le ballon, les limites du terrain c’est à dire : c’est le site d’un "événement".

Justement lorsqu’il y aura le dispositif partition, c’est un peu, ce n’est pas la présence de l’arbitre mais cela complique le site sur un mode qui se demande quel autre type d’événement, l’événement princeps, l’événement primordial peut produire. Donc c’est l’expérimentation de l’histoire d’un jeu mais la force du dispositif c’est justement la tension qui fait de l’ensemble le site d’un événement et qui ne norme pas l’événement mais qui le rend possible et qui fait de ceux qui y participent des enfants de l’événement, des produits de l’événement, des gens, enfants comme adultes, qui apprennent à partir de l’événement qui n’appartient à personne.

Bon, ben on commence sur l’éthique on va commencer par la Question 26 ...

Effectivement, le comportement animal n’est pas soumis à des règles conventionnelles.

Même un animal domestiqué qui obéit à des règles qui pour nous sont conventionnelles "debout, assis" ou n’importe quoi et bien, lui répond à ces mots apparemment comme s’il répondait à des signes intra-spécifiques c’est à dire qu’on se branche sur des manières d’être ensemble des animaux, en en profitant et en les détournant dans la relation avec un humain mais on ne crée pas un animal obéissant sans que cette possibilité d’obéir ne réponde à des capacités éthologiques de l’animal.

Donc l’animal a un ethos qui l’ouvre au monde sur certains modes bien particuliers et pas sur d’autres …et celui qui domestique l’animal profite et explore ce dont ce type d’ouverture au monde les rend capables. L’une des choses dont se targue l’espèce humaine en tout celas nous autres, nous autres, comment dirai-je, produits d’un occident qui pense en terme d’espèce humaine, (on reviendra à cette question là ) c’est que nous n’avons pas de limites c’est à dire que notre ouverture au monde est, contrairement à celle des animaux, non pas spécifique mais comme disait Marx générique, l’humanité est un genre et chacun des membres de l’espèce humaine est une espèce à lui tout seul c’est à dire explore dans une gamme indéfinie.

Peut-être qu’on se donne un peu beaucoup trop c’est à dire que c’est simplement que ce qui nous échappe, échappe également à notre imagination... néanmoins donnons-nous l’idée que nous ne connaissons pas nos propres canalisations, c’est tout ce qu’on peut dire et que, contrairement aux animaux, nous avons des idées à ce sujet.

La seule différence entre nous et les animaux c’est que les animaux ont des canalisations et ne s’en posent pas les problèmes et que nous nous posons les problèmes et pouvons donc avoir un rapport d’exploration mais aussi un rapport d’arrogance ou de naïveté par rapport à notre absence de limites. C’est notre site. Donc, d’une manière ou d’une autre, la question règle/pas règle, re-canaliser ce qui se donne comme non canalisé pour nous, pas pour x qui nous regarderait (rires) pour un ovni quelconque, donc, c’est notre problème, c’est notre problème.

Alors, c’est cela la différence, je crois, qui est intéressante entre morale et éthique,

y a plein de différences entre morale et éthique.

Je dirais que la différence qui moi m’intéresse c’est que la morale se propose en terme de règles et de règles qui peuvent être explicitées, qui ont même avantage à être explicitées parce qu’elles ont aussi avantage à être communiquées à quelqu’un. Elles sont censées être bonnes pour tout le monde.

Tandis que l’éthique, d’une manière ou d’une autre... certains ont dit que c’était plus sublime, l’éthique c’était plus élevé, la morale est commune, l’éthique c’est ce à quoi on peut s’adresser quand on a affaire à quelqu’un qui est vraiment éthique mais c’est aussi plus humble parce que cela communique avec ethos, avec manière d’être, donc c’est intéressant qu’il y ait à la fois cette idée que c’est plus élevé et que c’est un terme qui nous renvoie assez bien à une continuité avec les animaux : quel est notre ethos ?

Et le point commun des deux c’est que, d’une manière ou d’une autre, la notion de règles explicites et de possibilité de demander à quelqu’un d’obéir à ces règles au sens où elles sont explicites et où elles devraient être auto-évidentes se met à glisser.

Alors cela peut glisser par le sublime "mon éthique à moi qui suis supérieure à toute morale commune, j’ai une éthique mais je ne peux pas vous la dire, je la sens" et vers le plus concret c’est à dire "oui, je la sens comme un animal sent la différence entre à faire et à pas faire" donc c’est la notion de règle qui est glissante et qui permet d’aller vers le haut ou vers le bas. Cela ne m’intéresse pas très fort si c’est vers le haut ou vers le bas, la seule chose qu’il y a à dire c’est qu’effectivement je crois que d’ores et déjà il y a des tas de choses qu’on ne fait pas, qu’on n’a pas envie de faire par rapport auxquelles on n’a pas d’appétit à le faire sans pouvoir en expliciter la règle.

Donc je crois qu’il y a déjà dans nos comportements quotidiens pas mal de choses qui correspondent à ce "sans règle", à cette esthétique, éthique/esthétique c’est à dire cela c’est laid, faut pas faire cela mais la différence avec la morale c’est qu’effectivement le "cela c’est laid" cela se cultive c’est une question aussi d’imagination, de rencontre, c’est dans la rencontre qu’on expérimente et c’est donc aussi lié à une idée de "qu’est-ce qui est une bonne rencontre ? qu’est-ce que c’est une rencontre réussie, qu’est-ce que c’est une rencontre complètement ratée ?" et cela aussi c’est quelque chose par rapport auquel une expérience concrète est nécessaire.

On ne peut pas… l’éthique cela ne peut pas précéder la situation. Donc cela s’invente en marchant et c’est pour cela que la question de "comment dire l’échec ou la réussite d’une tentative sans la juger ?" pour moi, c’est aussi la différence entre éthique et morale. Il y a un jugement moral au sens où on peut justement dire "cela c’était pas bien parce que" et alors on va à des critères moraux plus généraux que la situation tandis que l’éthique, quelque part, est branchée sur la situation dans sa singularité telle qu’il n’y a pas quelque chose de plus général même si c’est quelque chose qui peut être partagé, qui peut être collectif parce que la situation est collective.

Et donc, pour moi, c’est tout à fait important et central que la différence, le contraste entre réussite et échec soit cultivé et que le dispositif permette, un dispositif, une rencontre, permette de dire l’importance de ce contraste mais au sens d’apprentissage et pas au sens de responsabilité "qui a mal fait".

Et cela c’est un trait, comment dirais-je, un trait que le dispositif Thys a, dans la phase où Thys apprend, c’est que l’expérimentation se traduit sans cesse ou s’est traduite par "tiens et si on mettait les chaises en rond, tiens et si, et si, et si". Donc la réussite ou l’échec avait pour conséquence une variation des protocoles qui faisait que c’était ni les adultes ni les enfants qui étaient responsables de quelque chose qui était senti comme "tiens, cela aurait pu marcher autrement" c’était le protocole qui devait susciter le type d’ethos qui fasse qu’il y ait réussite, que ce que j’ai appelé l’événement se produise.

0n pourrait imaginer un terrain de foot avec les piquets etc. et trois ballons et bien l’événement serait de type complètement différent s’il y avait trois ballons, de type totalement différent et c’est possible qu’il n’y ait pas la même tension, que ce ne soit plus un jeu mais quelque chose, un divertissement tel que les participants ne sont pas pris par le jeu, ne deviennent pas les enfants du jeu.

Donc, c’est dans la mesure justement où le protocole crée l’événement qui fait des participants les enfants de l’événement qu’on peut dire il y a réussite et c’est par rapport à cela qu’on peut aussi parler de l’éthique propre à cet événement c’est à dire l’ensemble des gestes, l’ensemble des manières de se conduire qui tuent l’événement, qui le suppriment, qui le rendent impossible. Donc, c’est comme l’ethos un comportement, une conduite, cela n’a pas de sens indépendamment de la rencontre concrète. C’est dans la rencontre concrète que l’ethos prend du sens et y compris dans les rapports de domestication, je veux dire, il faut apprendre avec un chien, il faut apprendre avec etc. Cela prend du temps, le temps est toujours là qui fait le caractère concret de la rencontre.

Et donc je crois que c’est un des lieux, cela ne veut pas dire que la morale deviendra inutile pourquoi pas, pourquoi pas aussi de la morale là où il faut préparer des gens à des choses qu’il ne connaissent pas enfin, j’ai pas de discours anti-moral mais je crois que l’éthique est plus importante parce que c’est une culture de "qu’est-ce que c’est réussir ?" et c’est une culture qui nous manque dans tous les coins : qu’est-ce que c’est réussir pour un enseignant indépendamment de l’évaluation objective des résultats de ses élèves ? Qu’est-ce que c’est réussir dans une réunion politique ?

Cela c’est des tas de problèmes qu’on a ensemble et par rapport auxquels la question n’est jamais les bonnes intentions, la question n’est jamais des règles au sens de "il faut écouter les autres", la question est : quels sont les dispositifs qui fassent qu’écouter les autres ne devienne plus une règle mais soit ce sans quoi la chose ne sera pas intéressante ?

Donc c’est vraiment ce renversement qui est "on ne se sacrifie pas à obéir à une règle parce qu’elle est morale et parce que nous sommes bons et parce que nous avons de bonnes intentions telles que nous nous sacrifions, non, les règles sont évidentes parce que sinon cela devient n’importe quoi et tout le monde s’embête".

Et cela c’est ce qu’on connaît déjà dans les règles du jeu, un jeu de société cela a des règles et y compris les petites tricheries par rapport aux règles, les petits excès par rapport aux règles qui donnent, comment dirais-je, le caractère sympathique au jeu mais il n’y aurait même pas de tricherie ou de petit écart ou d’humour par rapport aux règles s’il n’y avait pas les règles. Les règles c’est pas pour qu’on y obéisse, c’est pour que le jeu existe.

Je dirais donc qu’il y a une éthique du jeu qui ne veut pas dire une obéissance aux règles mais la règle est ce qui rend le jeu important. Et il y a aussi donc une culture de cela c’est à dire qu’on ne peut pas, comment dirais-je, habiter l’importance ou le contraste entre réussite et échec abstraitement, c’est dans la situation qu’on l’apprend, qu’on y est introduit.

Et je crois que cela rejoint aussi la question de comment y introduire les animateurs, il faut qu’ils aient plaisir au... plaisir à ce qui se passe sinon ils subiront les règles au lieu de les voir comme une évidence par rapport à laquelle ils ont un peu de liberté, oui, les écarts, les petites tricheries mais celles qui ne gâchent pas le jeu mais l’accompagnent.

Ce type d’ethos est aussi important par les écarts qu’il permet que par la réussite qui fait que l’écart n’est pas un crime.