Méthode Thys

IS04

Je vais revenir à la Question 19 , "l’idéal que le dispositif ne fasse peur à personne, qu’il se diffuse comme une petite musique de nuit"...

Je crois que cela est intéressant comme pensée, cela ne veut pas dire que c’est simple à réaliser, cela ne veut même pas dire que cette pensée soit jugée à sa réussite... c’est à dire que de toutes façons il y a des gens à qui cela fera peur, par contre ce qu’il y a d’intéressant c’est que le fait de choquer, le fait de scandaliser ne soient pas compris dans l’ambition du dispositif.

Au contraire, le fait de ne pas scandaliser, le fait plutôt de rassurer soit compté au crédit du dispositif. Cela, disons comme manière de penser la proposition c’est important - encore une fois en dehors du fait qu’il y aura des gens qui seront choqués, scandalisés. Pourquoi parce qu’il me semble... - d’ailleurs il y a d’autres questions la dessus, il me semble que l’un des messages actifs du dispositif, adressé à la fois aux enfants et aux adultes c’est : "n’ayez pas peur ".

N’ayez pas peur de faire ce que vous avez envie de faire devant des adultes, ici - c’est assez rare - mais ici ils ne vont pas vous piéger, ils ne vont pas se servir contre vous de ce que vous aurez osé faire, cela ne sera pas retenu contre vous, et le fait que cela soit rare veut dire que les enfants vivent souvent sur une scène de type judiciaire, dès lors qu’ils ont affaire aux adultes, ceci sera retenu contre vous... et ils n’ont pas d’avocats. Et aux adultes aussi : n’ayez pas peur, regardez ils ne celassent pas, regardez encore une fois c’est pas l’ordre ou le chaos.

Et donc ce : "n’ayez pas peur", je crois que c’est le message... c’est pas le message, c’est la réussite à partir de laquelle l’invention devient possible, c’est le nouveau type de dynamique d’invention qui est le terrain créé par ce type de dispositif, c’est comment inventer à partir d’un : "n’ayez pas peur" qui frappe de mise en suspend tous les raisonnements qui commencaient par un : "mais il faut bien...", "ce serait la porte ouverte à...", "oui, mais si on faisait cela on devrait..." etc. Toutes les manifestations de peur qui inhibent la pensée.

Question 15,

"Que demandent ces règles aux animateurs ?"

Et bien, c’est un peu un cercle... c’est un peu un cercle puisque cela ne leur demande rien finalement que d’être disponibles par rapport à la possibilité de ne pas avoir peur... mais c’est compliqué. C’est compliqué parce qu’ils viennent avec les normes, avec l’ensemble de ce qu’on leur a dit... que si ce n’était pas cela c’était le chaos etc.

Jusqu’ici quand Thys est présent, il est ce n’ayez pas peur incarné, sa présence dit : "n’ayez pas peur". Donc d’une manière ou d’une autre - il faudrait voir, là aussi c’est expérimental - mais il faudrait que dans des expériences où on lancerait des animateurs sans... Thys, qui fait garant - après il n’est plus nécessaire comme garant quand cela marche, mais au départ, il fait garant - il faudrait qu’il y ait un témoin qui n’est pas la présence de Thys mais qui soit ce à partir de quoi on puisse apprendre si quelque chose de plus est nécessaire - qu’une présentation générale aux animateurs.

En tous les celas il faut se dire que des animateurs sans Thys, c’est une nouvelle phase de l’expérimentation qui doit être prise au sérieux. Si on se rend compte que effectivement ils y viennent - l’expérimentation est réussie comme telle, mais il faut toujours faire attention parce que chaque animateur peut être différent - si on se rend compte qu’ils y viennent : on peut se dire que ceux qui y viennent moins bien et bien c’est d’autres animateurs qui y sont venus qui leur raconteront... Le point est que la manière dont l’animateur commence peut être décisif pour lui par rapport à sa souffrance, par rapport à cette idée que la présence de Thys évacue, qui est : on me lance dans quelque chose que je ne comprends pas et on ne me donne pas les moyens de le comprendre.

Donc si l’animateur est révolté, si il a le sentiment qu’on lui a fait quelque chose que l’on ne devrait pas faire, il risque de se figer, de vivre dans la douleur ce que, avec un petit plus, on lui aurait permis de vivre tout autrement... donc c’est délicat. Donc il faut expérimenter, il faut non pas endoctriner les animateurs mais en tout celas leur donner le sentiment qu’ils sont pris en compte, c’est à dire qu’ils ne sont pas de simples "mandailles" qui font parce que on leur a dit de faire, mais qu’ils sont aussi intéressants dans le dispositif, que la manière dont ils le vivent compte aussi.

D.D. Oui, mais la manière dont Hervé rend le dispositif à lui-même c’est notamment tout le travail qu’il fait après sur les vidéos, qui est un travail dont il dit lui-même qu’il n’y a pas de modes d’emploi, ni de grilles d’analyse qui tiennent... ou qui en tous les celas qui soient exhaustives cela c’est clair... bref : le travail que lui fait à partir de la vidéo, on s’imagine mal le demander à chacun des animateurs...

Oui, bien sûr... Thys, lui il est l’inventeur, il est passe beaucoup plus de temps, on ne va pas demander aux animateurs de faire des Thys bis, ter etc. de faire comme Hervé Thys, cela n’a aucun sens.

Par contre que l’animateur puisse s’en aller après une séance en disant : "chouette, cela c’est bien... j’ai été heureux, cela c’est bien passé, j’ai été heureux etc." c’est cela qui est important. C’est que l’animateur ait de l’appétit à y revenir... et qu’il y trouve son compte, il n’y a aucune raison que l’adulte n’y trouve pas son compte. Le dispositif est raté si les gens qui y participent n’y trouvent pas tous leur compte à leur manière, du moment que cette manière dont ils demandent leur compte soit cohérente avec le reste du dispositif.

La question est plutôt... les premiers pas des animateurs c’est à dire les rassurer quant au fait qu’ils sont effectivement importants... par leur présence et que leur présence, leur attention et quasi leur bonheur - parce que je crois que les enfants sentent cela, si un adulte souffre par abnégation, ou bien est présent, est là, et n’a pas besoin de juger et que l’absence de jugement n’est pas une souffrance...

Donc il faut que les animateurs sachent, sentent, à quel point leur mode de présence est partie prenante dans la chose alors même qu’ils ne font pas grand chose...

D.D. Oui mais on ne peut pas leur dire : soyez heureux...

Non, on ne peut pas effectivement leur dire soyez heureux donc il faut trouver les moyens de leur dire : n’ayez pas peur.

Il faut trouver les moyens de leur dire : n’ayez pas peur et peut-être qu’il suffit d’une transmission entre animateurs.

Il n’y a pas besoin que cela soit toujours celui qui sait qui soit la référence unique, c’est peut-être entre animateurs... De la même manière que la mise en mots pour les enfants doit se faire entre enfants, de la même manière peut-être que pour les animateurs la mise en mots doit se faire entre animateurs, avec éventuellement si il y a de grosses questions non-résolues d’autres types d’intervenants mais pas immédiatement.

D.D. On reprendrait le dispositif que j’avais imaginé qui est de faire des "solos de questions" adressées à Hervé Thys non présent... lorsque les animateurs discutent entre eux, par exemple...

Bien oui, mais des solos qui soient des solos des questions qui restent une fois que les animateurs ont répondu par leurs propres moyens à des questions qui se posaient entre eux...

D.D. Donc - juste une parenthèse - mais imaginer que la première mise en contact des animateurs avec le truc : ils visionnent une vidéo d’une séance, ils sont ensemble et ils discutent...

Oui, exactement... et je me souviens que l’on avait discuté : c’est vrai que le même terme d’animateur n’est pas bon puisque l’on dirait que ceux à qui ils s’adressent manque d’âme puisqu’il s’agit de les animer... Or ce n’est exactement pas de cela dont il s’agit ; il s’agit de constater, de créer le site où se constate que les enfants, de l’âme, ils n’en manquent pas et même de l’âme ensemble, de l’âme au sens où cela se démultiplie avec les relations.

Donc le terme qui était né dans cette discussion, je me souviens, c’était régisseur et je trouve que c’est un bon terme régisseur quoique je n’y connaisse rien mais dans mon imagination, c’est un bon terme parce que le régisseur sait à la fois qu’il est essentiel c’est à dire que c’est de son imagination, de son intérêt que dépend le fait que les accessoires soient à leur place au moment où l’événement commence et qu’il soit aussi témoin et spectateur de l’événement sans le moindre regret de ne pas être au centre. Il sait qu’il l’a rendu possible partiellement mais il sait qu’il n’en est pas le responsable, qu’il n’en est pas l’âme survolante. Et pourtant la qualité du régisseur tout le monde sait que cela compte. Donc, le terme régisseur n’est pas mal. Je ne sais pas comment on le traduit en anglais d’ailleurs, manager, je ne sais pas, c’est quoi ?

Stageman...

Stageman, et oui, donc on a construit une scène. Thys a, avec ses chaises, trouvé la nécessité ou l’intérêt d’une scène et bien donc, effectivement et ce n’est pas un metteur en scène, c’est surtout pas un metteur en scène puisqu’il ne doit pas interrompre et venir donner des conseils mais un régisseur qui est au bord de la scène et qui regarde si cela se passe bien. Cela c’est un métier digne, très digne, très important.