Bien entendu. Mais actuellement ce qui reste de Lacan se sont des exploitations lacaniennes comme par exemple chez les musico-thérapeutes, pour faire de l’argent, pour vivre... c’est tout. Oui mais cela a marché...
Oui cela a marché mais les retombées de Freud aussi cela a marché.
Question 64 Bon, James de nouveau : le passé n’a pas de poids, il est ce qu’il est, il ne peut pas être autre...
Il ne me semble pas que le passé ait un poids, pour moi le passé est une sorte de grand sac que l’on tire derrière soi et qui ne pèse pas lourd. Il vole à côté de soi, on peut y puiser tout ce que l’on veut, on n’est pas détaché c’est à dire que l’on est fait de ce passé et tant qu’on ne le regarde pas comme si il avait pu être autre : on n’en est pas prisonnier. L’horreur c’est quand les gens disent - et 99% des gens vivent en le disant - cela aurait du être autrement.
Cela c’est en gros l’influence du cinéma... Cela n’aurait pas pu être autrement. L’influence du cinéma où on peut reculer parce que les gens ne se mettent jamais en arrière... ils veulent cumuler la position actuelle et la connaissance de la position actuelle et puis la position qu’ils avaient à ce moment là.
Donc il y a un orgueil démesuré : je suis savant de ce que je sais maintenant et je le reporte sur une situation où je n’avais pas cette connaissance... écoutes, c’est la catastrophe, c’est vraiment la catastrophe.
Alors là je crois justement que ce renversement des choses dont parle James peut avoir des conséquences inimaginables sur le comportement de tous les jours des gens. Au point de vue justement de ne pas se rendre responsable et de ne pas rendre responsable l’autre des pires désagréments que l’autre peut vous faire, je ne dis pas qu’il ne faut pas le fuir, ce n’est pas cela.
On peut mettre en prison quelqu’un sans le rendre responsable, on peut fuir quelqu’un sans le rendre responsable. C’est le rendre responsable qui est dramatique, c’est ce procès que l’on fait à l’autre et à soi même.
I.S. Mais justement est-ce qu’il ne faudrait pas de dispositifs donnant l’appétit de ne pas rendre l’autre responsable pour lutter contre cette gigantesque facilité tout de même de laisser... c’est tout de même facile d’être écrasé par le passé...
Je crois que le dispositif ici a la force du monde sonore dans ce changement que l’on vit actuellement mais qu’il devrait être complété par des tas d’autres dispositifs dans d’autres domaines, au niveau des jeux que l’on peut faire au niveau de la parole, du théâtre etc. Qui seraient des jeux qui ne renverraient pas justement, qui auraient justement comme message de dire que c’est là l’important, et là c’est très possible...
I.S. C’est la question que tu n’avais pas comprise : le dispositif appelle-t-il l’invention d’autres dispositifs ?
C’est à dire que comme tu sais que je voudrais proposer à Meirieu ce genre d’expériences je voudrais que dans le texte qu’on lui proposera ce dispositif n’apparaisse pas comme le seule et l’unique, bien au contraire... Mais comme ayant pu exister grâce à un retournement des choses et grâce au monde sonore mais qui nous permet alors de l’associer à d’autres dispositifs au niveau de l’enseignement qui simplement se trouvent là où la place de la créativité est ouverte parce qu’alors là cela devient sérieux...
Interruption…
...d’accepter que l’autre n’a pas le temps de voir des choses qui apparemment n’ont pas d’importance et qui sont pourtant aussi importantes que ce que j’ai extrait... c’est évident. Mais cela c’est un manque de temps, mais cela n’a pas empêché les gens de s’y intéresser.
Donc Marc Hérouet est le... c’est justement cela qui m’intéresse, chez des gens... parce que Marc Hérouet est arrivé là pendant trois quarts d’heure, une heure et il est sorti de là avec une conviction absolue. Qu’est-ce qui s’est passé, sur quoi repose-t-il cette conviction ? Cela c’est intéressant... et des gens comme Lemoine à Lyon auxquels j’expose ce que je fais pendant un quart d’heure et qui comprennent à cent pour-cent, qui n’ont pas besoin de voir.
Qu’est-ce qu’il y avait à l’avance chez eux comme préparation de ce qu’ils attendaient, comme confirmation... le Tohu-bohu ne peut être qu’une confirmation de ce qu’ils savaient. Cela m’est arrivé souvent avec toi : "mais oui", qui est toujours assez joyeux de voir confirmation concrète de ce que l’abstrait avait... il n’y a pas d’autres choses dans cette question, n’est-ce pas dans cette Question 65 ?
I.S. Oui, comment apprendre aussi... tu as fait un apprentissage en regardant ce qui s’est passé que tu n’avais éventuellement pas vu au départ... Mais c’est aussi si tu veux pour... préparer la question 66 qui est : apprendre mais pas prouver. Tu te souviens que Cyrulnik avait dit "oui, mais on ne peut pas prouver"... Entre ce que l’on voit des enfants grâce à ce dispositif et ce que l’on appellerait une science qui jusqu’à plus ample informé demande des preuves, des faits isolés... c’est... disons que les Question 65 ; Question 66 ; Question 67
C’est une autre proposition de savoir sur les humains que les dispositifs de preuve usuellement privilégiés pour faire de la science...
Tout le problème que l’on a évoqué avec Daniel et Imberti, le problème d’une approche scientifique, comment peut-on...
Interruption...
Ce que je veux dire c’est que toute cette question de prouver dans une relation avec une science etc. est-ce que la richesse de ces comportements dans leur multiplicité n’est-elle pas due... en tous cas intègre l’impossibilité de les définir comme preuves ?
Ce qui fait en même temps leur richesse et leur problème... je crois que nous ne pouvons que nous réjouir de cet échec parce qu’il nous oblige à détourner - on ne peut pas simplement s’endormir en disant on se fout de tout - il nous oblige à réinventer d’autres comportements, pas de preuves, mais de confiance au niveau où cela en vaut la peine et d’autres comportements d’acceptation des différences ou des "étrangéités".
I.S. Mais aussi comme tu le dis, l’ensemble des règles du dispositif tu les as appris sur le terrain, donc il y a eu un apprendre effectif, tu es dépourvu des moyens de prouver que c’était la bonne chose à faire mais néanmoins il y a eu un apprendre effectif...
Oui, absolument effectif...
Question 68 Je n’ai pas l’impression à première vue que cela puisse servir au niveau de la musique...
Je crois que cela sert plutôt au niveau des comportements, des peurs, des angoisses, de la mise en ordre du monde, je ne pense pas qu’au niveau de la culture... d’une culture de l’improvisation on puisse aller...
I.S. Si tu veux je l’entendais au sens "sternien" - nous l’entendions - là justement l’improvisation est produite entre la mère et l’enfant mais elle n’est pas reconnue comme culture parce qu’elle ne se prolonge plus "officiellement" au moment où l’enfant est devenu un petit humain parlant... et donc l’idée de prolonger sous forme de culture et non plus sous forme de petit humain par rapport au corps, par rapport aux éthiques des autres, c’est aussi de la culture...
Je pense que la question va sans doute revenir au niveau de Daniel, elle est naturellement très importante, très fascinante et pleine de dangers au niveau de dérapages, au niveau de fausses certitudes, au niveau d’arguments pour justifier le dispositif, ce qui le rendrait, à mon avis, très lourd, à nos yeux à tous, quand il doit rester au niveau de la gaieté illicite de Nietzsche.
Il doit rester à un niveau où il ne peut pas prendre l’importance de cette lourdeur... c’est pour cela que je crois que ce que dit Daniel est très important. Heureusement il est très original dans son milieu, il y a peu de gens comme Daniel... et je crois que si on était plus sûr de la position de Daniel, il n’y aurait pas intérêt à la proclamer comme étant une sûreté pour les autres...
Question 69 ; Question 70 Déjà faites...
Question 71 Tu parles dans l’atelier ou n’importe où ? Parce qu’alors à ce moment là est-ce que ce n’est pas le choc de situations dans lesquelles on sait que c’est important mais on ne sait pas pourquoi parce qu’on n’a pas de recul ?
I.S. Pas de recul ou bien que la lisibilité, les critères de la preuve ne sont pas explicitables...
C’est cela tout est brouillé au niveau de la lisibilité de la culture ou bien le choc est trop grand pour que l’on puisse penser...
Ou bien quand tu vois un gosse dans une improvisation solo être complètement... son âme dans ses doigts si on peut dire, tu sais que quelque chose d’important se passe indépendamment de…
Tu sais que du point de vue de l’écoute de la musique traditionnelle l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit sont en activités de manière totalement différentes chez les amateurs et chez les professionnels.
Les activités de l’hémisphère gauche sont quasi nulles chez les amateurs de musique, ce qui ne veut pas dire que son amour de la musique n’est pas aussi grand. Et au niveau des professionnels, que cela soit des compositeurs ou des instrumentistes, l’activité est de niveau égal pour les deux hémisphères. Ce qui prouve bien que les professionnels savent très bien qu’on est à la septième de Beethoven et pas à la huitième, il ouvre toutes sortes... quoi qu’il arrive, il ouvre toutes sortes de dictionnaires de mémoire dans lesquels il a les références par rapport à d’autres interprétations, par rapport à d’autres musiques...
Ce qui fait que ses activités de raisonnement et de mise en place sont équilibrées des deux côtés... Impossible de savoir si il aime mieux la musique ou si il en jouit d’avantage... il faudrait faire une expérience.
Mais au niveau justement de ces questions là, un jugement de valeur peut-il encore s’exercer quand tout est brouillé, et que l’hémisphère gauche n’a plus droit à s’exercer parce que simplement il ne sait plus comment s’exercer ? Puisque l’hémisphère droit s’exerce parce qu’il ne peut pas faire autrement...
I.S. Mais est-ce que l’hémisphère droit peut lui aussi dire : attention, important ? Important pas au sens de Nietzsche de faire l’important...
Je ne pense pas que l’hémisphère droit puisse dire quoi que se soit mais il est évident qu’il peut être plus ou moins pris par un souvenir, par une odeur, par la musique. Donc important... il peut être plus ou moins concerné, cela c’est clair. Mais il ne peut pas raisonner au niveau : est-ce que c’est de la bonne ou de la mauvaise culture ?
Alors, jugement de valeur : il ne peut être qu’une activité de raisonnement de l’hémisphère gauche, donc tout événement qui peut arriver, dans lequel l’hémisphère gauche est obligé d’être inactif, est un événement sans jugement de valeur, est un événement... on fait un peu du côté de l’événement pur.
Oui et donc ici on avait dit : "indépendamment de tout jugement de valeur peut-on reconnaître que quelque chose d’important"... Alors si c’est indépendamment, c’est sans activité de l’hémisphère gauche donc... on reconnaîtra que la chose est importante suivant l’activité de l’hémisphère droit qui y attache beaucoup d’importance ou pas beaucoup. C’est à dire que si quelqu’un sent une odeur et qu’il en est bouleversé, il est évident que l’activité de l’hémisphère droit lui a rappelé une information qui concerne cette odeur. Même chose en musique...
Je vais te reprendre un point d’éthologie : si tu vois un gosse, ou n’importe qui d’ailleurs, qui est en train d’avoir un problème, de chercher quelque chose et que toi tu connais la réponse tu sais que c’est une catastrophe du point de vue de l’éthique de la lui donner comme cela gratuitement parce qu’il est en pleine intensité, de faire des plis dans son truc etc. Et cela tu sais que c’est de l’éthique, que quelque chose d’important est en train de se passer pour lui et que lui donner une réponse "clef sur porte" tu casses quelque chose de beaucoup plus important que la réponse...
On casse un processus et le processus est aussi important que...
C’est cela que je voulais dire, donc il me semble que le "il se passe quelque chose d’important" cela fait partie de l’éthique entre humains, on doit pouvoir le reconnaître sinon on bousille tout...
Au fond dans toutes ces questions, il n’y a jamais de questions qui seraient référées à l’hémisphère gauche ou aux spécificités des deux hémisphères...
Alors ce n’est pas par hasard, il est évident qu’un Thierry De Smet voit rouge quand on parle des deux hémisphères en disant : "c’est de la plomberie, cela n’a aucun intérêt".