ACTIVITES BEAUX-ARTS (méthode Thys de sensibilisation à la musique)
Rapport concernant 12 séances (de septembre à décembre 1989) de Madame MARCQ, titulaire d’une classe de 1ère préparatoire primaire à l’Ecole Catteau-Aurore – Ville de Bruxelles.
Tout d’abord, je dois admettre que l’élargissement de l’expérience aux trois classes de première année, a été hautement apprécié par les titulaires respectives au vu de l’évolution comportementale bénéfique des élèves de 1ère ayant vécu l’aventure Beaux-Arts l’année précédente, tant d’un point de vue individuel que social.
En effet, ces activités contribuent de façon dynamique aux modifications continuelles des sociogrammes des groupes.
Ainsi, le sociogramme d’une "classe", évoluant déjà spontanément au fil des jours, des mois voire des années de coexistence scolaire, se voit maintes fois remanié, reconsidéré non seulement par le(s) titulaire(s) mais aussi par les élèves eux-mêmes. Par ce phénomène de mouvance interne, chaque enfant s’avère susceptible de (mieux) définir sa nature, sa personnalité, son identité, son ETRE et sa raison d’être. Il participe effectivement à la structuration de son Moi et de ses aspirations réelles. Il peut agir librement sans restriction d’adultes, il peut se construire par le jeu de l’essai erreur ; l’enfant peut se révéler en toute authenticité, sans tabou ni préjugé quelconque du monde adulte dans lequel il évolue et qui souvent déjà a posé sur lui ses empreintes pas toujours conscientes, pas toujours positives ni innocentes. Au cours de ces séances libératoires, que de petits Mozart assassinés n’éclatent-ils pas au grand jour !
En outre, les enfant ont fort bien accueilli les activités musicales proposées, l’enthousiasme caractérise leur approche spontanée. Très vite, après une certaine inquiétude, une appréhension face à un univers inconnu, hors du cadre scolaire (qui constitue généralement le second univers sécurisant pour l’enfant après sa propre famille), les enfants ont espéré ces mardis avec sérénité, engouement voire impatience. En effet, les élèves ont rapidement considéré ces après-midis comme heure de libération intérieure, de défoulement profond… toute cela de façon implicite car rien n’est relaté à l’école (aux autres groupes), aucun grief relatif à leurs "facéties" musicales n’est rapporté… Tout est permis mais tout est tu… Chacun respecte les secrets du mardi des Beaux-Arts d’un silence communément décidé de manière tacite.
Curieusement, tous les enfants ont accepté très facilement de se faire enregistrer donc de laisser une "trace" de leur séance, de leur savoir ou pouvoir, trace susceptible d’être appréciée par une oreille étrangère à l’univers musical défini et restreint du mardi Beaux-Arts. Pourtant, c’est l’institutrice qui manipule l’enregistreur mais l’enfant sait qu’elle est une main muette quant aux appréciations éventuelles de toute performance réalisée.
En outre, les enfants considèrent comme privilège le fait d’être accompagnés en comité réduite par la titulaire. En effet, ils estiment ce petit effectif propice aux confidences tous azimuts, aux jeux, aux questions, à l’intimisme… Comme par enchantement, l’institutrice perd de sa puissance magistrale, sans mot dire ; devenue complice de leurs extravagances musicales, elle le devient aussi de tous leurs secrets ou tourments personnels constants ou momentanés.
Comme par magie aussi, le dialogue se renoue de séance en séance comme un film-vidéo qu’on arrête sur une image et qu’on poursuit quinze jours plus tard.
Il arrive même que les enfants préparent leur séance en décidant déjà l’instrument sélectionné pour l’enregistrement, de leur propre chef, au départ de l’école, avec discussions entre membres d’un même groupe. Dès qu’on a franchi le seuil de l’école, ils me livrent leur choix et me le justifient.
Toutefois, il me semble que souvent les enfants restent sur leur faim quand on ne leur précise pas le nom ou le maniement d’instruments bizarres, inconnus d’eux, ayant éveillé leur curiosité. C’est dommage… Par ailleurs, le respect des instruments n’est guère évoqué voir inculqué lors des séances alors que la phase d’enregistrement suscite le respect de l’écoute et de la production d’autrui.
En outre, qu’adviendra-t-il de l’émulation si pétillante actuellement en bout de course quand les enfants auront épuisé toutes leurs sources de curiosité enfantine ?
Pour ma part, je remercie vivement les organisateurs de me permettre une telle approche psychologique de mes élèves et de peut-être mieux les comprendre dans leur évolution parfois chaotique ou problématique, car les clichés de chaque enfant pris dans son élément naturel m’aident parfois ou sent, à établir des références ou des recoupements comportementaux qui sans cela resteraient énigmatiques.
Madame MARCQ
Le 10 janvier 1990