Méthode Thys

Atelier de musique

Depuis 1981, nous avons entamé une expérience de créativité musicale avec des enfants handicapés moteurs au Centre d’enseignement et de traitement différenciés à Woluwé Saint Lambert/Bruxelles.
Ces trois années ont été profondément passionnantes au niveau des rencontres et des enseignements quant à la richesse des enfants qu’aux nombreuses discussions dues à l’enthousiasme et à la confiance des responsables du Centre qui avaient accepté l’expérience.
Cette démarche m’apparaissait comme impérieuse et évidente malgré les nombreuses questions qui à l’époque représentaient autant d’inconnues et d’inquiétudes quant à la possibilité de leur trouver des réponses.

Deux motivations principales nous animaient :
D’une part l’évolution du langage musical contemporain, au-delà des recherches de la liberté en musique (influence de John Cage, musique aléatoire de Pousseur, free jazz, etc.), d’autre part, le grave problème des handicapés au sein de notre société, la peur de la différence et la fuite devant l’autre si son handicap nous semble trop loin des normes admises. Les enfants handicapés sont habituellement pris en charge mais en même temps renvoyés à leur handicap sans qu’ils aient la possibilité d’exprimer leur différence profonde et sans que l’on puisse leur laisser l’exercice d’une créativité où ils se reconnaissent et se font reconnaître aux autres.

Parallèlement à l’action auprès des enfants handicapés, au cours de l’année 1985 (année européenne de la musique) un Atelier de Musique sera ouvert par la Société Philharmonique au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles pour des enfants du cycle normal d’écoles primaires. Cet atelier procurera un type d’enseignement qui, je crois, ne fait pas double emploi avec d’autres enseignements procurés à différents niveaux dans nos pays tels que conservatoires, écoles de musique, méthodes Orff, Kodaly, etc.

Il s’agit principalement d’un enseignement dans le sens de la transmission de connaissance et de la découverte par l’enfant des moyens dont il dispose dans sa personne physique et psychique ; moyens mis en relation par une créativité directe de l’utilisation des instruments mis à sa disposition et par la connaissance des possibilités sonores de ces instruments.
La différence fondamentale avec d’autres enseignements réside en ce fait qu’il n’y a de transmission d’aucun schéma culturel et d’aucun savoir dans la pratique des instruments.
Les instruments utilisés représentent, dans la mesure du possible, un éventail des possibilités sonores. Aux instruments traditionnels s’ajoutent toutes les possibilités des instruments électroniques, de l’amplification ainsi que la mise à disposition d’instruments nouveaux, hybrides utilisant des ressorts avec ampli acoustique, des membranes de métal incorporées à des instruments électro-acoustiques ainsi que des instruments électro-acoustiques utilisant la microscopie sonore.

L’enfant se trouve directement face à la joie de la découverte d’un monde sonore qu’il met en mouvement par sa propre participation. Sa demande est d’autant plus grande que contrairement à tout autre enseignement (à l’exception sans doute de la mise en connaissance de la langue maternelle),il n’est pas contraint de se mesurer à un schéma plus ou moins réussi ou à se hiérarchiser dans une réussite ou dans un échec relatif vis-à-vis des autres enfants.

Au cours de l’expérience menée auprès d’enfants handicapés moteurs (depuis 3 années au Centre d’enseignement et de traitement différenciés à Woluwé Saint Lambert/Bruxelles (dont question plus haut), d’autres conséquences positives sont apparues, notamment pour les éducateurs une meilleure connaissance de la psychologie des enfants et de leurs demandes et, dans de nombreux cas, une amélioration très nette de l’handicap de l’enfant.

La créativité musicale au sein de cet atelier est toujours ramenée aux possibilités des instruments et des enfants, sans référence à des schémas culturels traditionnels ou contemporains. Ceci à l’immense avantage de permettre à tous les enfants et quelque soit la gravité de son handicap de s’exprimer sur pied d’égalité comme tous les autres ; son handicap étant bien entendu une limitation dans le choix des instruments qu’il peut mettre en mouvement, mais par contre, ne représente aucun frein à sa propre créativité.
Je crois que nous touchons là une des spécificités du domaine de la musique non encore exploitée à ce jour.

H. THYS