Méthode Thys

Concerne les Ateliers de créativité musicale.

Pour mieux comprendre les ateliers de musique dont le fonctionnement est décrit dans la note ci-jointe, on peut se poser deux questions : pourquoi un tel type d’ateliers n’était-il pas possible auparavant et quelle est l’évolution qui a rendu actuellement cette forme d’approche possible.

Quelques raisons principales :
 
- 1. Recherche en musique contemporaine de forme plus accentuée de liberté en musique, c’est-à-dire d’abandon de modèles : free jazz et musique d’avant-garde récente,
- 2. Fabrication d’instruments nouveaux, électroniques et hybrides ainsi que de nombreux instruments artisanaux et utilisation des instruments traditionnels dans le sens d’une ouverture à de nouvelles recherches sonores : piano préparé, etc.
- 3. Relatif échec des différentes méthodes destinées aux amateurs de musique : Dalcroze, Kodaly, Orff, Suzuki,
- 4. Très grande demande des couches jeunes de la population afin de pouvoir s’exprimer dans le domaine du son.

L’ensemble de ces différents facteurs a, je crois, rendu possible le principe qui est à la base des ateliers de musique, c’est-à-dire : que les instruments mis en mouvement par les enfants créent un univers sonore représentant une structure musicale bien définie malgré que cette structure ne corresponde à aucun modèle proposé.
Nous nous trouvons devant une spécificité de la musique qui est décrite parfaitement par le philosophe Michel Serres dans son livre récent : les cinq sens et dont je cite ci-après un court extrait :
“La musique tisse le transcendantal des communications.
“Sous le langage la plaque musicale couvre d’universalité le chaos qui la précède. Le langage a besoin de musique, sa condition ; celle-ci n’a aucun besoin de langage. La musique a besoin du bruit, sa condition ; celui-ci n’a aucun besoin de musique. Celle-ci rabote les dents du charivari ou les incline toutes en gerbe douce : du coup, elle ne montre plus assez de différenciation pour pouvoir porter quelque sens, elle les a tous, n’en a aucun.”
Je voudrais ajouter que l’on se trouve au début d’une expérience qui n’a pas été étudiée suffisamment pour tirer des conclusions précises au sujet de ce que l’on peut attendre de l’utilisation de ces ateliers, soit par des enfants handicapés, soit par des enfants d’écoles primaires. Dès qu’il puisse avoir, grâce à la musique, un lieu où s’organisent des espaces sonores où l’enfant reçoit sa créativité et celle des autres, c’est-à-dire qu’il ait des relations sociales, sans qu’il n’ait aucun modèle ou code proposé ou imposé par le langage me paraît devoir avoir des conséquences importantes.

Le 11 mars 1986.